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Visite de Marine Le Pen au Sénégal : un français au cœur de la facilitation du tête-à-tête entre l’opposante et le Président Macky Sall.

Rédigé par Dakarposte le Mardi 14 Mars 2023 à 15:01

On en sait un peu plus sur les facilitations du passage, au mois de janvier, au Sénégal de la principale figure de l’opposition française, Marine Le Pen et de sa rencontre avec le Chef de l’État, Macky Sall. Selon Le Monde, sa venue et son entretien avec le président sénégalais ont été arrangés en grande partie par les soins de Philippe Bohn.  
  
Dans les colonnes du quotidien français du 3 mars dernier, il est renseigné que c’est Phillipe Bohn qui a accompagné l’opposante française dans l’élaboration de sa politique africaine, faisait également partie de sa délégation lors de son déplacement au Sénégal. 
Il est défini par le média français comme un « fin connaisseur du continent, qui rejoint là sa véritable famille politique (..) Son réseau d’amitiés auprès de chefs d’État, notamment Thabo Mbeki, en Afrique du Sud, et Paul Kagame au Rwanda, le conduit à fluidifier les relations africaines de Vivendi Environnement, puis celles d’Airbus. ­Il sympathise avec les fils Kadhafi, en Libye, et Macky Sall, au Sénégal, qui lui a confié la relance de la compagnie nationale Air ­Sénégal, plutôt mal engagée », écrit Le Monde.  
Pour l’entrevue avec le président Macky Sall qui a suscité beaucoup de polémique et qui a d’ailleurs valu à l’ancien premier ministre sénégalais Cheikh Hadjibou Soumaré une convocation à la sûreté urbaine avant son placement sous contrôle judiciaire, Le Monde explique que le face-à-face entre Macky Sall et Marine Le Pen a été réussi grâce à une intervention de Philippe Bohn qui a accompagné la délégation du Rassemblement National en restant en retrait.  
« C’est grâce à lui, toutefois, que la cheffe de file du parti a pu rencontrer le président en exercice de l’Union africaine depuis le 18 février », avant de céder la place au président des ­Comores, Azali Assoumani, a relaté le quotidien français. De source présidentielle à Dakar, on précise que Marine Le Pen devait, à l’origine, rencontrer d’autres personnalités politiques. Face à l’insistance de celle-ci et de M. Bohn, le président a consenti au rendez-vous, à condition qu’aucune publicité n’en soit faite, signe que la respectabilité de la députée d’extrême droite reste à parfaire en Afrique. 
Le Monde ajoute que l’entourage de Macky Sall a refusé de confirmer l’entretien durant plusieurs jours. Il a accepté qu’une photo de l’entrevue soit prise pour un usage ultérieur, a laissé entendre Philippe Bohn sur les colonnes de Le Monde. Après avoir laissé retomber l’émotion suscitée par ce tête-à- tête, l’entourage du président, pour sa part, justifie la rencontre par l’évolution du statut de Mme Le Pen dans le paysage politique français.  
« On ne peut pas ignorer ce parti. Marine Le Pen pourrait être la prochaine présidente, il faut lui parler. On ne peut pas laisser un État ami décider de qui doivent être nos amis. », a confié aux journalistes du média français, Hamidou Kassé, conseiller de M. Sall. Ce dernier n’y voit pas de contradiction avec les convictions du président, qui « s’indigne du traitement des migrants, réaffirme le droit à la libre circulation et plaide pour l’assouplissement des conditions d’entrée dans l’espace européen », explique M. Kassé. 
« Le chef de l’État peut recevoir n’importe qui pour réaffirmer les positions du Sénégal », poursuit-il. Marine Le Pen a-t-elle affirmé les siennes, radicalement différentes ? Le Monde a convoqué l’entretien télévisé accordé à la chaîne nationale ITV du groupe E-média pour expliquer les tenants du face-à-face entre l’opposante française et le chef de l’Etat sénégalais. 
« Nous avons, lors de ce rendez-vous, parlé la même langue », assure Marine Le Pen. ­Selon elle, les échanges, durant une heure, ont porté sur la place de l’Afrique dans le concert des nations tout en souhaitant, comme ­Emmanuel Macron, que le continent ait un membre permanent au Conseil de sécurité de l’ONU, et désigne le Sénégal et les relations entre Paris et Dakar. À ce sujet, Mme Le Pen a rompu avec une règle non écrite de la politique française, en critiquant le gouvernement depuis l’étranger, en des termes susceptibles de flatter la francophobie sur laquelle surfent les mercenaires russes du Groupe ­Wagner. 
« Je comprends que les Africains doivent se dire : somme toute, y a-t-il encore cette ­affection ? [Emmanuel Macron se comporte] avec beaucoup de mépris. Vous me direz, les Africains n’en sont pas les seules victimes, les Français aussi », a-t-elle confié. 
  
VISITES DES ENTREPRISES CASL ET CSS. 
  
Le passage de la personnalité politique française au Sénégal ne s’est pas seulement limité à l’entretien que lui ont accordé les services de la présidence du Sénégal. Ses visites auprès des entreprises françaises également étaient au cœur de son déplacement au pays de la Téranga. D’abord la Compagnie agricole de Saint-Louis (CASL) dont l’actionnaire majoritaire est une entreprise française, filiale d’une holding située dans le paradis fiscal du Luxembourg selon Le Monde. L’État sénégalais est toutefois récemment entré dans son capital. 
À en croire le média, dans une vidéo produite par le RN, ­Marine Le Pen déroule le fil de sa visite au Sénégal. Le long du fleuve éponyme, elle raconte sa rencontre avec un « jeune entrepreneur qui fait pousser du riz, puisque le président Macky Sall est attaché à la souveraineté alimentaire du Sénégal ». En fait de jeune entrepreneur, la Compagnie agricole de Saint-Louis (CASL) est le premier producteur céréalier d’Afrique de l’Ouest, qui a bénéficié en 2016 d’un prêt important de la Banque africaine de déve­loppement et la Banque européenne d’investissement. Les députés européens du RN s’agacent d’ailleurs souvent que cette dernière, institution financière de l’Union, finance des projets hors du Vieux Continent. 
Le modèle de la CASL, comme la Compagnie sucrière sénégalaise (CSS) à qui elle a aussi rendu visite, est plus proche du néocolonialisme agraire décrié par la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agricul- ture) que du patriotisme économique africain prôné par Marine Le Pen. Son entourage défend les retombées pour les populations alentours, et juge les accusations de néocolonialisme « caricaturales » : « On pourrait souhaiter que tout soit parfait, mais il faut qu’il existe des investisseurs prêts à mettre leur argent. » 
Pilier de l’objectif d’autosuffisance en riz blanc du Sénégal, la CASL a essuyé deux refus de communautés locales ailleurs dans le pays, avant d’obtenir l’exclusivité de l’exploitation de ces terres. Cette grande ferme rizicole, atout incontestable pour la souveraineté alimentaire nationale, incarne difficilement le souhait d’un nouvel équilibre des relations Nord-Sud. 
Ce sont les réseaux sénégalais du RN qui ont orienté vers cette entreprise, bien que ses racines françaises puisent dans les ­réseaux catholiques traditionalistes proches de l’extrême droite, de l’homme d’affaires conservateur Eric Mestrallet, fondateur de la holding, à ­Christian Baeckeroot, son ancien commissaire aux comptes, élu député du Front national en 1986 et proche de Bruno Gollnisch. L’un des dirigeants de la CASL ne cache pas sa sympathie pour l’extrême droite, un pur hasard, assure un organisateur du voyage : « On s’est assuré que l’accueil serait bon mais surtout qu’il serait professionnel. » 
Autre entreprise agricole visitée par la délégation. Il s’agit de la CSS, qui jouit d’un monopole sur la culture de canne à sucre. Son propriétaire est le milliardaire français Jean-Claude Mimran, qui règne sur son nébuleux empire agroalimentaire depuis Gstaad, station suisse au climat froid mais fiscalement tempéré. L’Union nationale des commerçants et industriels du Sénégal dénonce les volontés hégémoniques de ce personnage incontournable de l’économie sénégalaise, qui obtint tant d’arbitrages favorables des chefs d’Etat successifs. 
« Le modèle de croissance de la famille Mimran est sans doute à revoir aujourd’hui, mais son action a été globalement positive pour la région et le pays », a estimé l’entourage de Marine Le Pen.



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