À force de se garer devant la porte du Parc des Princes, un soir de match, ou à dix mètres de l'entrée de la presse au Groupama Stadium, sans jamais croiser personne, on avait largement eu le temps et l'occasion de prendre la dimension de ce monde étrange et silencieux des temps de pandémie à l'approche de nos grands stades vides.
Mais rien, soyons honnêtes, qui ait pu nous préparer tout à fait à la réalité du Boxing Day samedi à Londres, qu'il a été cruel et douloureux de superposer à nos souvenirs. Il n'a pas fallu attendre ce jour pour savoir l'effet du huis clos sur l'environnement du football, la vie des supporters et l'atmosphère d'un stade de 60 000 places réduit à 300 personnes, joueurs compris, mais il nous aura fallu, sans doute, attendre ce Boxing Day pour ressentir un aussi grand vertige. Parce que le Boxing Day n'est pas seulement un jour de foot, c'est un concept.
Les supporters de la vingtaine d'équipes qui jouent ce jour-là traversent la ville de long en large, avec le maillot de leur club, éventuellement le bonnet s'il fait - 10. Le centre-ville, que les lumières de Noël éclaboussent au coucher du soleil, c'est-à-dire à 13 heures, est envahi par les promeneurs et les touristes chasseurs de soldes, qui commencent. Il y a un an, c'était exactement comme ça, et mieux que ça encore.
Rien n'indiquait qu'un derby était sur le point de se jouer
Décidé tardivement face à l'apparition d'une nouvelle mutation du virus, alors que les rues et les restaurants étaient encore ouverts il y a dix jours, le confinement a vidé la ville devenue fantôme. Pas de soldes, pas de touristes, pas de piétons en dehors de ceux sortis pour acheter l'essentiel avant de poser devant l'indispensable, le foot à la télé du 26 décembre. Ce n'est pas la première fois que l'on vit l'expérience d'une ville déserte, depuis quelques mois, mais le Boxing Day était le jour qui pouvait le mieux donner la mesure du vide.
À l'approche de l'Emirates, en fin de journée, pas un signe du derby londonien qui allait se jouer. Pas un vendeur ambulant, forcément, pas un supporter perdu pour venir humer l'air d'un stade à l'heure d'un match. Mais un match, quand même, pour que le vingt-sixième jour du mois de décembre, dans ce Royaume, conserve un peu de son allure et beaucoup de sa structure. Pendant l'échauffement, la sono de l'Emirates a envoyé les chants de Noël, par habitude, et Andy Williams, presque comme tous les ans depuis 1963, a entonné It's the Most Beautiful Time of the Year. Peut-être, mais alors seulement parce que tout est relatif, et que cette année a été un enfer.
Avec L'Equipe