Afin de se conformer à ses engagements internationaux, l’Etat du Sénégal avait pris l’option de procéder à une délégation de service public et de lancer un appel d’offres pour la construction d’une infrastructure de Télévision numérique terrestre (Tnt), sous l’égide du Comité national de pilotage de la transition de l’analogique au numérique (Contan). A la suite du lancement de la procédure, tout le monde avait applaudi d’autant qu’un privé national avait été (enfin) choisi pour dérouler ce vaste chantier : Excaf.
Aussi, par une convention en date du 13 août 2014, l’Etat du Sénégal accordait à Excaf la concession de service public pour la construction d’une infrastructure de Tnt sur une période de 5 ans renouvelable. Le Président Macky Sall approuve la convention par décret en date du 25 août de la même année.
Premier rendez-vous manqué
Afin de permettre à Excaf de faire un retour sur investissement, l’Etat décidait de l’exonérer de droits et taxes douaniers ; de lui céder gratuitement l’usage exclusif des deux multiplex sur les 4 pour y abriter son bouquet et de lui octroyer le monopole sur la vente des décodeurs. Mieux, il a été convenu qu’Excaf utilise, pour les besoins de la construction de l’infrastructure Tnt, les réseaux informatiques de l’Agence de l’informatique de l’Etat (Adie) et de la Rts. Aussi, l’Adie lui a accordée deux brins de fibres destinés au transport du signal. Excaf s’engageait ainsi à finaliser la construction de l’infrastructure en un an pour assurer son retour sur investissement les quatre prochaines années. Dés la première année, le groupe s’engageait, par écrit, à reverser un milliard au Fonds d’appui à la production audiovisuel et, le même montant, à partir de la deuxième année, à l’Etat du Sénégal. Le Sénégal informe ainsi la communauté internationale, que conformément aux engagements, pris lors de la Conférence régionale des radiocommunications de l’Union internationale des télécommunications, tenue en 2006, qu’il était prêt à «basculer» en 2015. Il n’en sera rien.
Pour sauver la face devant la communauté internationale, le Sénégal décide alors d’aligner le basculement de la Tnt sur la date retenue pour la Radio numérique terrestre (Rnt), à savoir juin 2020.
Entre temps, l’Uemoa sort une directive qui consacre le principe de la séparation et du non-cumul des différentes activités de la chaine de valeur (édition, distribution et diffusion) par acteur. Une directive qui écartait de faite Excaf. N’empêche, la convention, en son article 1, a prévu que l’infrastructures et les équipements sont la propriété exclusive de l’Etat. Aussi, ils doivent être transférés à l’organe crée pour la gestion et l’exploitation à savoir la Société anonyme de télédiffusion du Sénégal (Tds Sa).
Ainsi, dès sa mise en place, en janvier 2019, Tds Sa s’est rapprochée d’Excaf pour préparer le processus de transfert de l’infrastructure et des équipements ; et, par la même occasion, le basculement. Tout semblait bien aller comme dans le meilleur des mondes d’autant qu’Excaf s’était engagé à travailler, main dans la main, avec Tds.
Sur les 24 sites, seuls 6 sont en service…
Première étape : les deux entités, ainsi que des membres du ministère de la Communication, de l’Artp, du Cnra…entament une tournée sur les sites abritant l’infrastructure et les équipements de la Tnt. La mission est choquée de constater que sur les 24 sites contractuels, seuls 6 étaient entièrement en service et pouvaient basculer. Pire, un pv d’huissier a attesté de l’indisponibilité des décodeurs sur le territoire national, ce qui rendait impossible de le basculement.
Sonatel réclame 3 milliards de Fcfa au ministère de la Communication, Macky «fouille» la concession.
Presque au même moment, la Sonatel s’est rapprochée du ministère de la Culture et de la Communication lui réclamant une facture de 3 milliards de Fcfa pour des services effectués sur l’infrastructure Tnt pour le compte d’Excaf. La facture montre que, depuis 2014, date du démarrage des travaux, Excaf n’a jamais payé à la Sonatel les frais de raccordement des chaines Tv pour la collecte, le transport et la diffusion.
Informé de cette situation lors du conseil des ministres en date du 3 juillet 2019, Macky Sall ordonne au ministre des Finances et au ministère de la Communication de «fouiller» dans, les meilleurs délais, la concession. Un comité d’évaluation de la concession Tnt réunissant la Douane, l’Artp, l’ordre des experts…est alors mis en place.
Un « dédommagement » de 7 milliards de Fcfa que rien ne justifie.
Dans un premier rapport, le comité révèle que tout le matériel acheté par le groupe Excaf depuis la signature de la concession Tnt a été exonéré des droits et taxes douaniers. Saisissant le prétexte de la finalisation du projet et du basculement dans les délais, l’Etat a rémunéré Excaf la récupération des fréquences Mmds à hauteur de 7 milliards de Fcfa. Or, les fréquences sont des ressources domaniales dont le retrait ne donne droit à aucune compensation. N’empêche, Excaf a été dédommagé.
Le Fdsut subventionne des kits de réception pour 2, 1 milliards de Fcfa et ne reçoit que dalle.
Pire, le Fonds de développement du service universel des télécommunications (Fdsut), pour le même prétexte, a consenti un appui d’un montant de 3 milliards de Fcfa dont 2 milliards 100 millions de Fcfa ont été déjà décaissés afin d’acheter des de réception pour le compte des zones défavorisées. N’ayant jamais reçu le matériel subventionné, le reliquat de 30% n’a pas été remis à Excaf qui s’est «assis » sur les 2,1 milliards de Fcfa reçus.
Bras de fer au sommet
En août 2019, le ministre de la Communication a mis en demeure Excaf pour qu’il s’assure de la reprise de la gestion de l’infrastructure par Tds Sa. Le ministre a par la suite invité Excaf à une réunion pour discuter des modalités de transfert mais la rencontre n’a servi à rien. D’autant qu’Excaf affirme que les infrastructures et les équipements étaient… sa propriété. Face à cette situation, l’Etat a décidé d’enclencher une procédure judiciaire qui risque de faire beaucoup de dégâts. En attendant, il est fort probable que le Sénégal rate encore le basculement prévu en juin 2020, pour une seconde fois, malgré ses engagements internationaux.
Cheikh Mbacké Guissé
Aussi, par une convention en date du 13 août 2014, l’Etat du Sénégal accordait à Excaf la concession de service public pour la construction d’une infrastructure de Tnt sur une période de 5 ans renouvelable. Le Président Macky Sall approuve la convention par décret en date du 25 août de la même année.
Premier rendez-vous manqué
Afin de permettre à Excaf de faire un retour sur investissement, l’Etat décidait de l’exonérer de droits et taxes douaniers ; de lui céder gratuitement l’usage exclusif des deux multiplex sur les 4 pour y abriter son bouquet et de lui octroyer le monopole sur la vente des décodeurs. Mieux, il a été convenu qu’Excaf utilise, pour les besoins de la construction de l’infrastructure Tnt, les réseaux informatiques de l’Agence de l’informatique de l’Etat (Adie) et de la Rts. Aussi, l’Adie lui a accordée deux brins de fibres destinés au transport du signal. Excaf s’engageait ainsi à finaliser la construction de l’infrastructure en un an pour assurer son retour sur investissement les quatre prochaines années. Dés la première année, le groupe s’engageait, par écrit, à reverser un milliard au Fonds d’appui à la production audiovisuel et, le même montant, à partir de la deuxième année, à l’Etat du Sénégal. Le Sénégal informe ainsi la communauté internationale, que conformément aux engagements, pris lors de la Conférence régionale des radiocommunications de l’Union internationale des télécommunications, tenue en 2006, qu’il était prêt à «basculer» en 2015. Il n’en sera rien.
Pour sauver la face devant la communauté internationale, le Sénégal décide alors d’aligner le basculement de la Tnt sur la date retenue pour la Radio numérique terrestre (Rnt), à savoir juin 2020.
Entre temps, l’Uemoa sort une directive qui consacre le principe de la séparation et du non-cumul des différentes activités de la chaine de valeur (édition, distribution et diffusion) par acteur. Une directive qui écartait de faite Excaf. N’empêche, la convention, en son article 1, a prévu que l’infrastructures et les équipements sont la propriété exclusive de l’Etat. Aussi, ils doivent être transférés à l’organe crée pour la gestion et l’exploitation à savoir la Société anonyme de télédiffusion du Sénégal (Tds Sa).
Ainsi, dès sa mise en place, en janvier 2019, Tds Sa s’est rapprochée d’Excaf pour préparer le processus de transfert de l’infrastructure et des équipements ; et, par la même occasion, le basculement. Tout semblait bien aller comme dans le meilleur des mondes d’autant qu’Excaf s’était engagé à travailler, main dans la main, avec Tds.
Sur les 24 sites, seuls 6 sont en service…
Première étape : les deux entités, ainsi que des membres du ministère de la Communication, de l’Artp, du Cnra…entament une tournée sur les sites abritant l’infrastructure et les équipements de la Tnt. La mission est choquée de constater que sur les 24 sites contractuels, seuls 6 étaient entièrement en service et pouvaient basculer. Pire, un pv d’huissier a attesté de l’indisponibilité des décodeurs sur le territoire national, ce qui rendait impossible de le basculement.
Sonatel réclame 3 milliards de Fcfa au ministère de la Communication, Macky «fouille» la concession.
Presque au même moment, la Sonatel s’est rapprochée du ministère de la Culture et de la Communication lui réclamant une facture de 3 milliards de Fcfa pour des services effectués sur l’infrastructure Tnt pour le compte d’Excaf. La facture montre que, depuis 2014, date du démarrage des travaux, Excaf n’a jamais payé à la Sonatel les frais de raccordement des chaines Tv pour la collecte, le transport et la diffusion.
Informé de cette situation lors du conseil des ministres en date du 3 juillet 2019, Macky Sall ordonne au ministre des Finances et au ministère de la Communication de «fouiller» dans, les meilleurs délais, la concession. Un comité d’évaluation de la concession Tnt réunissant la Douane, l’Artp, l’ordre des experts…est alors mis en place.
Un « dédommagement » de 7 milliards de Fcfa que rien ne justifie.
Dans un premier rapport, le comité révèle que tout le matériel acheté par le groupe Excaf depuis la signature de la concession Tnt a été exonéré des droits et taxes douaniers. Saisissant le prétexte de la finalisation du projet et du basculement dans les délais, l’Etat a rémunéré Excaf la récupération des fréquences Mmds à hauteur de 7 milliards de Fcfa. Or, les fréquences sont des ressources domaniales dont le retrait ne donne droit à aucune compensation. N’empêche, Excaf a été dédommagé.
Le Fdsut subventionne des kits de réception pour 2, 1 milliards de Fcfa et ne reçoit que dalle.
Pire, le Fonds de développement du service universel des télécommunications (Fdsut), pour le même prétexte, a consenti un appui d’un montant de 3 milliards de Fcfa dont 2 milliards 100 millions de Fcfa ont été déjà décaissés afin d’acheter des de réception pour le compte des zones défavorisées. N’ayant jamais reçu le matériel subventionné, le reliquat de 30% n’a pas été remis à Excaf qui s’est «assis » sur les 2,1 milliards de Fcfa reçus.
Bras de fer au sommet
En août 2019, le ministre de la Communication a mis en demeure Excaf pour qu’il s’assure de la reprise de la gestion de l’infrastructure par Tds Sa. Le ministre a par la suite invité Excaf à une réunion pour discuter des modalités de transfert mais la rencontre n’a servi à rien. D’autant qu’Excaf affirme que les infrastructures et les équipements étaient… sa propriété. Face à cette situation, l’Etat a décidé d’enclencher une procédure judiciaire qui risque de faire beaucoup de dégâts. En attendant, il est fort probable que le Sénégal rate encore le basculement prévu en juin 2020, pour une seconde fois, malgré ses engagements internationaux.
Cheikh Mbacké Guissé