France: comment la réforme des retraites a révélé toutes les divisions politiques

Rédigé par Dakarposte le Jeudi 8 Juin 2023 à 10:40 modifié le Jeudi 8 Juin 2023 10:43

Il n'y aura donc pas de vote jeudi 8 juin sur le report de l'âge légal de départ à la retraite en France. La présidente de l'Assemblée juge irrecevable les amendements qui visaient à revenir sur la principale disposition de la réforme du gouvernement. Près de six mois après le dépôt du projet de loi en Conseil des ministres, les opposants ont, semble-t-il, épuisé tous les recours et la loi doit entrer en vigueur progressivement à partir de la rentrée.


Rarement un texte de loi aura suscité autant de tension dans l'hémicycle. Hurlements, rappels au règlement, suspensions de séances, invectives… Le 16 mars dernier, la Première ministre déclenche l'article 49.3 de la Constitution, la loi est adoptée sans vote dans l'hémicycle. Des milliers de personnes descendent spontanément dans la rue. Mais aujourd'hui, la majorité veut tourner la page, avec plus ou moins de bonne foi.

« La vie politique, ce sont des cicatrices. On avance, on a nos bosses, nos cabosses », relativise Philippe Vigier, député du MoDem, qui rappelle qu'« il y a eu des moments compliqués : 1968, un million de personnes dans la rue, le général de Gaulle qui part. François Mitterrand : vous vous souvenez qu'il a eu des moments compliqués, un niveau de popularité très faible. Il y a toujours eu des moments de tension très forts, c'est difficile de gouverner les Français. »  

« Une dérive autoritaire » du chef de l’État
Les oppositions ne partagent pas tout à fait cet avis. Ce passage en force, c'est la « dérive autoritaire » d'un homme, selon la députée écologiste Sandrine Rousseau : Emmanuel Macron, qui « est passé à côté de l'histoire, il a brutalisé un peuple, confie la députée. Cela lui restera comme un caillou dans sa chaussure. On est dans une situation, à mon avis, très critique de crise démocratique ». Le communiste Pierre Dharéville le dit avec d'autres mots, mais le diagnostic est le même : « La manière dont le débat a été conduit de bout en bout, c'est un hold-up permanent. C'est à chaque étape une mesure anti-démocratique. » 



Écologistes, communistes, socialistes, Insoumis qui n'ont pas toujours été d'accord, les Insoumis s'acharnant dans leur stratégie d'obstruction. Mais le bateau Nupes a tenu le choc dans la tempête. Au moins celle-ci, car le navire risque de tanguer lors des prochains rendez-vous électoraux. 

Une fracture chez les LR
Les Républicains, eux, ont étalé leurs divisions au grand jour. Avec cette fronde menée par le très médiatique député du Lot Aurélien Pradié et un groupe divisé en deux. Un psychodrame qui a laissé des traces en interne, à entendre le patron des députés LR Olivier Marleix. « Finalement, aujourd'hui, je crois que personne ne veut revivre ce moment qui a été plutôt difficile, pénible, se souvient le député. Mais je crois qu'on en ressort plus unis. » 

Olivier Marleix confirme, et c'est un autre enseignement de cet épisode, que le gouvernement ne peut toujours pas compter sur les Républicains pour élargir sa majorité. « Chaque fois que le gouvernement ira dans ce qui est nos convictions, il aura une chance de nous trouver sur son chemin, assure-t-il. S'il propose des textes contraires à nos convictions, on ne sera évidemment pas au rendez-vous ».

Pas de coalition possible pour le gouvernement
C'est très clairement ce qu'a montré cette séquence retraites, et cela risque de durer. Alors comment parvenir à gouverner dans les quatre années qui viennent sans majorité ? « Dans notre culture politique, on n'arrive pas à aller vers cet art du compromis, du consensus, déplore Dorian Dreuil, politologue à la fondation Jean-Jaurès, classée plutôt à gauche. Ceux qui sortent les plus affaiblis de cette situation, c'est le gouvernement. Comment gouverner après toutes ces manifestations, quand on a perdu la bataille de l'opinion ? » 

Le seul vainqueur est visiblement le Rassemblement national. Toutes les études d'opinion le montrent : Marine Le Pen a marqué des points ces derniers mois en s'opposant à la réforme des retraites silencieusement dans l'hémicycle. Avec un message : « Votez pour moi en 2027 et cette réforme sera abrogée ». Mais la route vers la prochaine présidentielle est encore très longue et semée d'embûches. 






















Rfi
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