Guerre en Ukraine: pourquoi Merkel et Sarkozy sont-ils pointés du doigt par Zelensky?

Rédigé par Dakarposte le Mardi 5 Avril 2022 à 08:22 modifié le Mardi 5 Avril 2022 08:29

Les deux dirigeants avaient refusé une adhésion de l'Ukraine à l'Otan sous prétexte que le pays était une démocratie trop instable


Angela Merkel persiste et signe. Quelques heures après avoir été critiquée par Volodymyr Zelensky, l'ex-chancelière allemande a assuré assumer "ses décisions du sommet de l'Otan de 2008 à Bucarest", qui consistaient à ne pas intégrer, temporairement, l'Ukraine au sein de l'entente de l'Atlantique nord.

Dans un message vidéo dimanche soir, le président ukrainien avait critiqué le "refus caché" de l'Otan d'accueillir son pays à cause de la "peur absurde de certains responsables politiques à l'égard" de Moscou. Ces derniers "pensaient qu'en rejetant l'Ukraine, ils pouvaient apaiser la Russie", a critiqué le président ukrainien.

Angela Merkel n'est pas l'unique ex-dirigeante pointée du doigt. Lors de son allocution, Volodymyr Zelensky a également recommandé à l'ancien président français Nicolas Sarkozy de se rendre à Boutcha, ville au nord-ouest de Kiev récemment reprise par les Ukrainiens, où de nombreux civils ont été tués.

"J'invite Angela Merkel et Nicolas Sarkozy à visiter Boutcha et à voir à quoi la politique de concessions envers la Russie a abouti", a-t-il lancé.

"La porte est ouverte"
Pour comprendre ce refus allemand et français, il convient de remonter à 2008, et à ce fameux sommet de l'Otan à Bucarest, en Roumanie. Malgré l'insistance du président des États-Unis d'alors, George W. Bush, Angela Merkel avait une nouvelle fois fait montre de sa réticence en ce qui concerne une avancée de l'Otan vers l'est.

"Nous sommes parvenus à la conclusion qu'il est malgré tout encore trop tôt pour donner le statut du MAP (Plan d'action en vue de l'adhésion, ndlr) à ces deux pays", avait-elle dit, faisant également ici référence à la Géorgie, dans des propos à l'époque consignés par L'Obs.

La dirigeante allemande n'avait toutefois pas complètement fermé la porte à une entrée de Kiev dans le club atlantiste. "La porte est ouverte. Nous voyons une perspective pour l'adhésion. Nous voulons aider les deux pays à aller vers le MAP", avait-elle argué, assurant que la décision n'était pas un cadeau fait à la Russie.

"Il est totalement évident que la Russie ne décide pas qui devient membre", martelait-elle encore.
De son côté, Moscou faisait pression afin d'éviter cet élargissement vers l'est. Le président élu d'alors, Dmitri Medvedev, avait mis en garde l'Otan contre une décision qu'elle considère comme un geste hostile tandis que Vladimir Poutine, encore en poste pour quelques semaines, avait pris la décision de ne pas se rendre à ce sommet.

En outre, comme le rappelle L'Obs, seuls 30% des Ukrainiens d'alors voyaient leur entrée dans l'Otan d'un bon oeil.

"Nous voulons vérifier qu'ils sont prêts politiquement"
En ce qui concerne Nicolas Sarkozy, le refus de faire entrer l'Ukraine et la Géorgie dans l'Otan tient au fait de l'instabilité de ces deux pays.

"Ces deux pays ne sont pas mûrs", faisait savoir une source parlementaire française en marge du sommet roumain.
En outre, le président français se refusait d'aller au-delà d'un "plan d'action", sans perspective. Lors d'un discours tenu le 3 avril 2008, Nicolas Sarkozy était revenu sur l'hypothèse de l'élargissement de l'Otan et avait cette fois-ci utilisé l'argument du calendrier.

"Quand on veut rentrer dans l'Otan, il faut faire un minimum d'efforts. Sur la Géorgie et l'Ukraine, nous n'acceptons pas de droit de veto de qui que ce soit. Ces deux pays ont vocation à rentrer dans l'Otan. Mais qu'on accepte au moins de débattre de la date et des modalités. Mais nous voulons vérifier qu'ils sont prêts politiquement", avait-il martelé.

"C'est une question de date, de calendrier. N'en faisons pas un problème politique."
Cependant, Nicolas Sarkozy l'avait également assuré, l'Otan devait être claire avec Vladimir Poutine. "Parlons-lui franchement. Il le fait quand il a des problèmes, y compris pour évoquer ses intérêts. Nous devons faire de même."

"Nous ne blâmons pas l'Occident"
Retour en 2022. Après les accusations de Volodymyr Zelensky, Angela Merkel a répondu par l'intermédiaire de son porte-parole.

"Compte tenu des atrocités découvertes à Boutcha et dans d'autres endroits en Ukraine, tous les efforts du gouvernement et de la communauté internationale pour se tenir aux côtés de l'Ukraine et mettre fin à la barbarie et à la guerre de la Russie contre l'Ukraine bénéficient du plein soutien de l'ancienne chancelière", a-t-elle dit.
Angela Merkel, restée à la tête de l'Allemagne durant 16 ans, ne s'est quasiment pas exprimée depuis le début du conflit en Ukraine. Quelques mois après son départ du pouvoir, au sommet de sa popularité, elle se voit désormais reprocher d'avoir manqué de fermeté à l'endroit du président Vladimir Poutine et sa politique à l'égard de la Russie fait l'objet de sévères mises en cause, y compris dans son camp.

La dirigeante conservatrice, qui a gouverné plusieurs années avec les sociaux-démocrates au sein d'une grande coalition, est également critiquée pour avoir rendu l'Allemagne dépendante du gaz russe qui représentait avant la guerre plus de la moitié des importations du pays.

"Nous ne blâmons pas l'Occident. Nous ne blâmons personne d'autre que les militaires russes (...) et ceux qui leur ont donné des ordres", avait conclu Volodymyr Zelensky dans son message de dimanche soir.
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