Le président guinéen, en compagnie de ses homologues nigérien, Mahamadou Issoufou, et congolais, Denis Sassou Nguessou, a inauguré, lundi 28 septembre 2015, le barrage hydroélectrique de Kaléta, sur le fleuve Konkouré, à 150 km au nord-est de Conakry, dans la préfecture de Dubréka. L’ouvrage d’une capacité de 240 MW a coûté 446 millions de dollars conjointement financés par l’Etat guinéen à 25 % et China Exim Bank à 75 %.
Sur demande d’Alpha Condé, l’entreprise China International Water and Electric a dû ramener le délai d’exécution des travaux lancés en avril 2012 de quatre à trois ans. « Jamais un barrage d’une telle capacité n’a été réalisée en un temps record, a remarqué le ministre guinéen de l’Énergie et de l’hydraulique, Cheick Taliby Sylla, qui précise que 2 500 jeunes Guinéens et 850 Chinois ont travaillé sur ce chantier nuit et jour ».
Paradoxe guinéen
Le chef de l’État guinéen a « remercié les travailleurs qui ont œuvré nuit et jour afin qu’une partie de la Guinée sorte de l’obscurité ». C’est-à-dire plus de la moitié du besoin en électricité du pays estimée à 400 MW. « On dit que la Guinée est un scandale géologique, agricole, le château de l’Afrique de l’Ouest. Mais paradoxalement, nous n’avons ni eau ni électricité. Ce paradoxe ne pouvait pas continuer », a constaté le président Condé dans une brève allocution interrompue par une averse, elle-même précédée d’un soleil de plomb. « L’électricité est très importante pour l’Afrique, poursuit-il. C’est pourquoi nous sommes très heureux du projet de notre ami et frère, Jean-Louis Borloo. Beaucoup de gens pensent que c’est un rêveur. Je leur répondrai que ce sont les rêveurs qui ont fait le monde.
Je suis certain que tous les chefs d’État ou leur représentants présents, mon cher Jean-Louis Borloo, vont vous accompagner pour faire de votre projet une réalité », a-t-il déclaré à l’adresse de l’ancien ministre de l’Écologie de Nicolas Sarkozy, désormais porteur du mégaprojet « Énergies pour l’Afrique ». En réponse, celui-ci s’est réjoui que la Guinée ait décidé « de doubler l’accès à l’énergie. C’est un événement mondial. Je félicite mon frère et ami, le président Alpha Condé et lui dis que c’est le projet de la parole tenue, qui change la vie de quatre millions de Guinéens… Vous prouvez ainsi que l’électricité pour toutes les mamans d’Afrique est possible ».
Des localités désenclavées
Au-delà de Conakry (où les délestages ont baissé depuis le lancement en juillet dernier de la première turbine), et de huit autres préfectures de la Basse et Moyenne Guinée qui devraient bénéficier du projet, la réalisation du barrage de Kaléta a permis de désenclaver les sous-préfectures riveraines de Badi et de Tondon. Une route de 72 km qui mène au site a été aménagée et sera bitumée dès octobre, après la période des grandes pluies, a rassuré le ministre de l’Énergie et de l’hydraulique, Cheick Taliby Sylla. Un pont long d’une centaine de mètres construit sur le fleuve Badi facilite désormais la traversée qui se faisait par pirogue avec des risques de naufrages, s’est félicité de son côté Aboubacar Bamba, maire de la commune rurale de Tondon.
Une odeur de campagne électorale
Le choix de la période (à moins de deux semaines du scrutin présidentiel du 11 octobre) et de la date de l’inauguration de ce projet phare du quinquennat d’Alpha Condé (le 28 septembre marque l’anniversaire du « non » de Sekou Touré au Général de Gaulle, en 1958) ne semblent évidemment pas fortuit. Tôt le matin, les militants du RPG Arc-en-ciel ont pris d’assaut le site, vêtus aux couleurs de leur parti et entonnant des slogans favorables au président sortant.
Le défi pour le candidat du RPG Arc-en-ciel est de convaincre les électeurs réticents que le courant de Kaléta ne désertera pas les foyers pendant la saison sèche
En 2010, Alpha Condé, alors candidat, avait promis du courant aux Guinéens en trois mois. Dès son investiture, il s’y est attelé avec beaucoup d’argent mais sans grand résultat. « Nous avons fait une erreur grave, en achetant les centrales thermiques, avait-il admis devant la presse, le 27 août 2015 au palais présidentiel Sékhoutouréya. Les 120 millions de dollars qui ont été consacrés à l’achat de nouvelles centrales thermiques auraient pu être utilisés par l’État pour améliorer le réseau de transport et de distribution du courant. J’aurais dû laisser les privés acheter les centrales, pour qu’ils vendent ensuite leurs productions à l’EDG [Électricité de Guinée, NDLR] ».
Le défi pour le candidat du RPG Arc-en-ciel est de convaincre les électeurs réticents que le courant de Kaléta ne désertera pas les foyers pendant la saison sèche, comme le soutiennent ses opposants qui pointent du doigt Garafiri. L’autre barrage hydroélectrique sur le même fleuve Konkouré, inauguré en grande pompe en 1999 par le défunt président Lansana Conté, en présence de l’ex-président français, Jacques Chirac, n’avait pas tenu toutes ses promesses.