Mort du pape François: migrants, écologie… Un souverain pontife très politique mais au bilan contrasté

Rédigé par Dakarposte le Lundi 21 Avril 2025 à 11:40 modifié le Lundi 21 Avril 2025 11:53

Après 12 ans à la tête du Vatican, le souverain pontife est mort à l'âge de 88 ans. Si l'Argentin a marqué l'évolution de la doctrine de l'Église sur l'écologie, ses aspirations réformistes ne se sont pas concrétisées. Son action contre les scandales sexuels au sein de l'Église a également déçu.


Le pape François est mort à l'âge de 88 ans ce lundi 21 avril. Élu en 2013 à la surprise générale après la démission de Benoît XVI, cet Argentin a profondément changé l'image de l'Église en l'orientant vers les pays du Sud tout en refusant de moderniser la gouvernance de la curie, frappée à plusieurs reprises par des scandales sexuels.

Son élection est alors inédite à plus d'un titre: le Sud-Américain est le premier pape non-européen depuis 13 siècles et le seul jésuite à accéder à de telles fonctions. Après avoir déjà failli être pape en 2005, avant que sa candidature ne s'effondre sous sa peur d'être élu - son visage "blémissait" au fur et à mesure que les suffrages en sa faveur augmentaient, rapporte Le Monde -, sa nomination couronne une ascension fulgurante dans les rangs de l'Église.


Archevêque de Buenos Aires depuis février 1998, ce fils d'immigrants italiens est nommé trois ans plus tard par Jean-Paul II primat d'Argentine, le plus haut grade possible pour un évêque. Pas de voiture avec chauffeur, pas d'appartement sous les dorures du très bel hôtel de l'archevêché de la capitale argentine… Dans un pays où les représentants de l'Église ont l'habitude de mener grand-train, sa réticence aux apparats intrigue.

Aux plaisirs terrestres, François préfère la vie des idées: ingénieur chimiste, il est également diplômé en philosophie et en théologie tout en maîtrisant cinq langues. Fidèle aux principes du fondateur des Jésuites Ignace de Loyola, ce très grand fan de football a l'habitude d'aller sur le terrain et de se rendre régulièrement dans les paroisses des bidonvilles.

Un prélat très politique

Dans un pays à l'inflation galopante qui touche les plus pauvres mais aussi une classe moyenne exsangue, ses homélies lui valent une grande popularité. Quant au gouvernement, accusé d'être responsable de l'effrondrement financier de l'Argentine, il ne s'y trompe pas: le chef de l’État Nestor Kirchner l'accuse de se comporter "comme un parti politique" en 2008.

Quatre ans plus tard, en 2012, en plein débat sur le mariage pour tous, le futur pape François prend fait et cause contre la réforme, poussant la présidente Cristina Kirchner à l'accuser de "vouloir revenir aux temps de l'Inquisition".

Celui dont le rôle reste mystérieux pendant la dictature militaire d'Augusto Pinochet oscille pendant ses années argentines entre conservatisme - il s'oppose ainsi à la contraception et à l'ordination de femmes - et progressisme. En 2012, l'archevêque qualifie ainsi d'"hypocrites" les prêtres qui refusent de baptiser les enfants de mères célibataires


Un premier déplacement consacré aux migrants
Un an plus tard, pour sa première apparition publique en tant que pape, François apparaît au balcon de la basilique Saint-Pierre sans ornements liturgiques. Tout un symbole alors que son prédécesseur Benoît XVI n'apparaissait que rarement sans.

Ses premiers pas sont tout autant marqués par son engagement en défense des migrants. Pour sa toute première visite hors de Rome, l'Argentin se rend ainsi sur l'île italienne de Lampedusa, qui accueille depuis des mois des migrants souvent passés par le Libye.


Dans l'administration pontificale qu'on appelle la curie, la sobriété de son style de vie marque les esprits: il renonce ainsi aux ors apostoliques et vit dans un appartement sobrement décoré dans lequel il invite régulièrement à dîner SDF et détenus. Au grand dam de certains au Vatican qui lui reprochent de désacraliser la fonction.

À Marseille, en septembre 2023, le pape François persiste et signe. Pour la première visite papale dans la cité phocéenne depuis 500 ans, l’Argentin se rend dans les quartiers nord de Marseille pour un petit-déjeuner entouré de personnes plongées dans la pauvreté avant de se lancer lors d’une grande messe au Vélodrome dans un hommage aux migrants morts en tentant de traverser la Méditerranée.

Devant Emmanuel Macron, il dénonce "des vies brisées, des rêves anéantis" et appelle l’Union européenne à "un devoir d’humanité et de civilisation".

Un pape décroissant qui ne bouscule pas la curie
Parmi ses autres ambitions politiques, on trouve également la lutte contre le réchauffement climatique. Deux ans après son arrivée au Vatican, la publication de l’encyclique Laudato si’ entièrement consacrée à l'écologie et qui prône la décroissance campe clairement le décor.



"Ce texte aura permis à l’Église d’entrer en contact avec des secteurs jusque-là très éloignés de son spectre", avance ainsi un ancien journaliste de La Croix dans les colonnes du quotidien.
Mais certaines de ses volontés comme la réforme de la curie, marquée par l'inertie depuis des décennies, fait long feu. Le pape souhaitait à son arrivée au Vatican pousser pour la décentralisation de l'Église et le respect des particularismes nationaux. En 2014, il évoque même des "maladies curiales" pour pousser au changement.

Las: entre fortes tensions en interne et des nominations en cercle très restreint, les tensions se font de plus en plus vives, empêchant toute réforme d'ampleur.

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Déception sur la lutte contre la pédocriminalité dans l'Église

Le pape François vise encore à ne pas bousculer les traditions: pas question par exemple d'ouvrir la prêtrise à des hommes mariés ou la condamnation des relations entre personnes de même sexe malgré son soutien à "une loi d'union civile".

Autre échec majeur pour le pape: la lutte contre les scandales sexuels dans l'Église. Si le religieux a appelé à "affronter la vérité" et n'a eu de cesse prôner la tolérance zéro vis-à-vis des prêtres agresseurs, lançant notamment la création de bureaux de signalement dans les diocèses, son action a déçu. Il a ainsi refusé de recevoir la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église, mise en place en France.


Le secret pontifical qui entoure les dossiers d'agressions sexuelles a été levé en 2019, mais à des conditions extrêmement strictes: les victimes peuvent désormais connaître la sentence qui frappe leur agresseur, sans pour autant avoir accès au dossier d’instruction, c’est-à-dire aux accusations qui ont été retenues par les juges ou aux raisons qui ont mené à la décision finale.

Quant à la commission pontificale pour la protection des mineurs qui devait proposer des changements structurels dans l'Église, son travail n'a guère abouti.

Un pouvoir très tourné vers le Sud
Le pape n'a pas non plus réussi à élargir le nombre de pratiquants qui s'effrondre en Europe et qui baisse en Amérique latine tandis que le nombre de baptisés augmentent en Afrique et en Asie.


François a d'ailleurs privilégié tout au long de son exercice les tournées sur ces continents plutôt que de labourer les terres occidentales. Irak, République démocratique du Congo, Mongolie... Le pape se rend sur des terres peu voire jamais visitées par les souverains pontifes.



"Sans doute se dit-il que son rôle n’est pas d’organiser des visites pour aller combler le manque d’initiative des Églises européennes", confiait l'un de ses très proches auprès de La Croix en 2021.


Le basculement géographique de l'Église devrait se poursuivre avec son successeur. Si François avait été élu par 60 européens sur 117 cardinaux en 2013, le nombre d’Asiatiques parmi les potentiels électeurs d’un futur pape ont doublé. De quoi modifier en profondeur l'équilibre géographique au sein du Vatican et ouvrir la porte à un successeur de François venu du Sud de la planète.











Bfmtv

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