RENCONTRE TRUMP-POUTINE: POURQUOI LE SOMMET EST DÉJÀ UNE VICTOIRE POUR LE PRÉSIDENT RUSSE

Rédigé par Dakarposte le Dimanche 10 Aout 2025 à 19:55 modifié le Dimanche 10 Aout 2025 21:57

Vladimir Poutine semble une nouvelle fois échapper aux sanctions promises par Washington en acceptant de rencontrer Donald Trump en Alaska le 15 août prochain pour échanger sur la guerre en Ukraine. Le président américain a déjà évoqué un accord de paix basé sur un "échange de territoires" qui inquiète Kiev.


Un sommet calibré pour Vladimir Poutine? Après un regain de tension entre Washington et Moscou, le président russe s'apprête à rencontrer Donald Trump en Alaska, le 15 août prochain, pour discuter d'une issue à la guerre en Ukraine.

Le président américain s'était dit cette semaine "ouvert" à une telle rencontre dans la foulée d'une nouvelle visite de son émissaire spécial à Moscou, Steve Witkoff, avant d'annoncer la date ce vendredi. Il s'agira de la première réunion entre des chefs d'État américain et russe depuis le début du conflit en 2022.

Ce nouveau rebondissement dans les négociations sur la guerre en Ukraine survient à l'expiration d'un ultimatum lancé par Donald Trump à Vladimir Poutine, selon lequel la Russie devait conclure un accord de paix avant vendredi sous peine de se voir infliger des sanctions américaines.

· Les sanctions américaines à nouveau en suspens

Pour la politologue ukrainienne Oxana Melnychuk, le président russe a trouvé avec ce sommet un nouveau moyen d'échapper à la colère de Washington, alors que le président américain multipliait ces derniers mois les signes d'agacement envers le Kremlin. En acceptant cette rencontre, Donald Trump a "mordu à l'hameçon" de Vladimir Poutine, selon elle.

"Vladimir Poutine a gagné pour la deuxième fois. La première fois, c'était au mois de mai", rappelle la directrice de l'association Unis pour l'Ukraine. À cette période, Européens et Américains avaient sommé la Russie d'accepter un cessez-le-feu de 30 jours immédiat en Ukraine, menaçant Moscou de sanctions "massives" dans le cas inverse.

Mais face au refus russe, Donald Trump n'avait pas mis ses menaces à exécution et, après un nouvel appel avec Vladimir Poutine, avait annoncé un nouveau cycle de négociations.

Mi-juillet, le président américain a donc lancé à la Russie un nouvel ultimatum de 50 jours, réduit plus tard à une dizaine de jours. Celui-ci devient-il caduc avec la rencontre en Alaska? Interrogé sur la question ce jeudi, le président américain a esquivé: "Cela va dépendre de Poutine, on va voir ce qu'il va dire".

· Un "échange de territoires" au bénéfice de Moscou

La base des négociations paraît également favorable au maître du Kremlin. Vendredi à la Maison Blanche, Donald Trump a évoqué un "échange de territoires au bénéfice de chacun" entre l'Ukraine et la Russie dans le cadre d'un futur accord entre les deux pays, sans autre précision.

Selon le Wall Street Journal, Vladimir Poutine a déclaré à Steve Witkoff qu'il accepterait un cessez-le-feu complet si l'Ukraine consent à retirer ses troupes de toute la région orientale de Donetsk. La Russie contrôlerait alors les oblasts de Donetsk et de Louhansk, ainsi que la péninsule de Crimée, dont elle s'est emparée en 2014 et qu'elle souhaite voir reconnue comme territoire russe souverain.

Il est en revanche difficile d'imaginer quels territoires pourraient être cédés à l'Ukraine en échange. "C'est extrêmement hypocrite. Actuellement, c'est la Russie qui occupe le territoire ukrainien et pas l'Ukraine qui occupe la Russie, donc parler de concession mutuelle paraît très compliqué", avance le général Jérôme Pellistrandi, consultant défense pour BFMTV.

"On va échanger des territoires ukrainiens contre des territoires ukrainiens, c'est absurde", pointe de son côté Oxana Melnychuk.
Toujours selon le Wall Street Journal, la proposition russe prévoit une première phase qui verrait l'Ukraine se retirer de Donetsk avant un gel de la ligne de front. Lors d'une seconde phase, Vladimir Poutine et Donald Trump conviendraient d'un plan de paix définitif, qui serait ensuite négocié avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky, ont précisé des sources européennes citées par le journal.

· Poutine et Trump sur la photo, Zelensky marginalisé

Pour l'ancien ambassadeur français en Russie Claude Blanchemaison, la rencontre est également une victoire d'image pour Vladimir Poutine, alors que le président russe est mis au ban par les Occidentaux depuis l'invasion de l'Ukraine.

"Il veut la photo qui, aux yeux du monde et de sa population, fait de lui l'alter ego de Donald Trump", souligne l'ancien diplomate sur BFMTV.

Le sommet entre les deux hommes met ainsi ostensiblement à l'écart le président ukrainien, pourtant principal concerné par l'agression russe de l'Ukraine. "Toute décision qui serait prise contre nous, toute décision qui serait prise sans l'Ukraine, serait une décision contre la paix", a averti Volodomyr Zelensky, ajoutant que "les Ukrainiens n'abandonneront pas leur terre aux occupants".

Le président ukrainien estime qu'une rencontre entre lui et Vladimir Poutine est une "priorité" et qu'il "est légitime que l'Ukraine participe aux négociations" concernant l'avenir de son pays. Mais pour Vladimir Poutine, les "conditions" ne sont pas réunies pour une telle rencontre, qui selon lui n'aurait de sens qu'en phase finale des négociations de paix.

Quant à Donald Trump, sa réponse a été limpide: sur la question de savoir s'il pensait que Vladimir Poutine devait d'abord s'entretenir avec son homologue ukrainien avant de le rencontrer lui, le président américain a répondu "non".



Eux aussi écartés des négociations russo-américaines, les Européens ont fait savoir que "la voie de la paix en Ukraine ne peut être tracée sans l'Ukraine" dans un communiqué signé par la France, l’Italie, l’Allemagne, la Pologne, le Royaume-Uni et la Commission européenne.
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