Le producteur et animateur de télévision, Thierry Ardisson, est mort à l'âge de 76 ans des suites d’un cancer du foie, ont annoncé son attachée de presse à BFMTV et sa femme à l'AFP ce lundi 14 juillet.
Né le 6 janvier 1949 à Bourganeuf (Creuse), Thierry Ardisson a fait ses armes dans la publicité avec des slogans passés à la postérité, avant de passer sur le petit écran.
"Thierry est parti comme il a vécu. En homme courageux et libre. Avec ses enfants et les miens, nous étions unis autour de lui. Jusqu’à son denier souffle", a annoncé son épouse Audrey Crespo-Mara.
Connue pour ses interviews tranchantes, cette figure des talk-show a produit ou animé de nombreuses émissions cultes de Lunettes noires pour nuits blanches, à la fin des années 1980, à Paris Dernière, en passant par Tout le monde en parle ou Salut les Terriens!.
"Il ne faut pas avoir peur de la mort"
En 40 ans de carrière à la télévision, Thierry Ardisson a fait de ses provocations et de son humour noir une marque de fabrique, appliquant à ses émissions les concepts de sa première vie dans la publicité. Il invente ainsi les interviews formatées, "Info ou intox", "L’interview première fois", "Questions cons"… Un sens du timing et des gimmicks, comme "Magnéto Serge", "On ne bouge pas pendant le jingle" ou "Orlando exige le clip", qui se sont glissés à l’époque dans le langage courant.
En mai dernier, Thierry Ardisson écumait encore les plateaux pour la promotion de son livre L’Homme en noir, une autofiction mêlant des éléments biographiques et fictionnels.
"Il ne faut pas avoir peur de la mort", livrait-il ainsi dans une interview à Léa Salamé sur France Inter. "De toute façon, tout le monde meurt. Même Napoléon, qui était quand même un mec puissant, il est mort."
Dans ce livre, il évoquait ses nombreuses interviews bien sûr, mais aussi sa famille, dont il a longtemps eu honte. Enfant, il se sent "comme le cygne qui est né dans une famille de canards", avec ce sentiment de ne pas faire partie de la famille, comme il le racontait en mai 2023 sur BFM Business.
Fils d’un ingénieur dans le BTP, il ne comprenait pas "pourquoi (son) père avait une voiture qui n’était pas terrible", et "pourquoi la maison qu’on avait était moins bien que les autres". Enfant déjà, il rêve de célébrité, et écrit un livre dans lequel il s’auto-interviewe.
"Quand c’est trop, c’est Tropico"
C’est pourtant dans la publicité qu’il commence à travailler, à la fin des années 1960. "Ça a été ma grande école, ça a été mon université", livrait à BFM Business l’auteur de slogans comme "Vas-y Wasa!", "Lapeyre, y’en a pas deux", "Ovomaltine, c’est de la dynamite", ou encore "quand c’est trop, c’est Tropico". Il fonde même sa propre agence de publicité en 1978, une agence baptisée Business.
Mais après 15 ans dans la publicité, lassé de ce "boulot de menteur", il se tourne vers la télévision en 1980. Sa carrière commence à la faveur d’un premier coup d’éclat. Alors qu’il collabore au magazine Rock&Folk, pour lequel il réalise une interview-concept, baptisée "Descente de police", Yannick Noah lui confie qu’il fume de la marijuana. L’information fait scandale, Yannick Noah affirme que ses propos ont été déformés. Thierry Ardisson va défendre son interview au JT de TF1, déjà très à l’aise mais pas encore habillé en noir, pour sa première télé.
C’est avec ce même concept d’interview qu’il arrive à la télévision en 1985 avec sa toute première émission, intitulée également Descente de police.
Si la Haute autorité de l'audiovisuel met fin à l’émission quelques mois plus tard, la carrière de Thierry Ardisson est lancée. Il produit ensuite avec Catherine Barma, Face à France, programme présenté par Guillaume Durand, avant de lancer en 1988, l’émission Lunettes noires pour nuits blanches, enregistrée aux Bains Douches à Paris.
Assez rapidement, il adopte aussi un style vestimentaire qu’il ne quittera plus: pull noir, veste noire, pantalon noir.
"Je déteste qu'on me filme de dos parce que j'ai un gros cul et le dos voûté à force d'écrire des fiches toute la journée. C'est aussi pour ça que je m'habille en noir, parce que ça m'amincit. Puis pour être reconnaissable. Puis pour ne plus avoir à choisir", expliquait-il en 2018 à Society.
"Est-ce que sucer c’est tromper?"
Dès ses premières émissions, il imprime son style fait de questions, parfois très directes sur la vie privée de ses invités, et d’interviews formatées. Très bien renseigné sur la vie de ses invités, il leur pose des questions parfois très intimes.
Cela n’empêche pas les personnalités du showbiz, du sport ou de la politique de se presser sur le plateau de ses émissions Tout le monde en parle d’abord, (de 1998 à 2006 sur France 2) puis Salut les Terriens! de 2006 à 2018 sur Canal+ puis C8.
La liste de ses invités, de tous horizons, est impressionnante et comprend, en vrac, Mikhaïl Gorbatchev, Angelina Jolie, Mariah Carey, Jane Fonda, Serge Gainsbourg, Brad Pitt ou encore Robert De Niro.
En 1998, il rejoint France 2 pour co-animer d’abord avec Laurent Ruquier, l’émission Tout le monde en parle. Un talk-show dans lequel les animateurs posent des questions parfois provocantes aux invités, comme en 2001, lorsqu’il lance à l’ex-Premier ministre Michel Rocard, dans le cadre de l’interview "Alerte rose", "Est-ce que sucer, c'est tromper?".
"On m’a souvent reproché d’avoir été l’un des premiers à discréditer la parole politique à la télévision", argumentait-il dans Society. "D’abord, ce n’est pas moi qui suis allé chanter Les Feuilles mortes chez Patrick Sébastien, c’est Lionel Jospin. Donc je pense qu’ils sont assez grands pour se discréditer tout seuls".
Certains, cependant, apprécient peu ses interviews. Comme Milla Jovovitch, qui en 2002 quitte le plateau, furieuse d’une question sur son père, après avoir balayé son verre de la main.
Mais plus que de simples séquences à "buzz", les interviews de Thierry Ardisson, longues et fouillées, mènent parfois à des moments de confession de la part des invités, qui se livrent comme rarement sur un plateau.
"C’était la place du village, l’agora, le forum", expliquait en 2019 Thierry Ardisson à 20 Minutes. "C’était quand même dingue, c’était un phénomène de société. On est allés jusqu’à 2 millions de téléspectateurs, 32 % de parts de marché".
Interview et deepfake
Pourtant en 2006, contraint de quitter le service public, en raison de son contrat avec Paris Première, où il anime 93, faubourg Saint-Honoré, il arrête Tout le monde en parle et rejoint Canal+, chaîne sur laquelle il produit et présente Salut les terriens, alors diffusée en clair. Chaque semaine, entre 1 et 1,5 million de téléspectateurs sont au rendez-vous.
Entouré de chroniqueurs et d'humoristes comme Stéphane Guillon, Gaspard Proust, Laurent Baffie ou Alex Vizorek, il y commente l’actualité avec décalage et dérision. La collaboration avec le groupe Canal+ prend fin en 2019 et l'animateur termine sa carrière sur le service public et à Paris Première.
Lassé d’interviewer les vivants, le créatif invente alors "la première utilisation noble du deepfake". "J'ai rien contre Amel Bent, j'ai rien contre Amir, j'ai rien contre M. Pokora... C'est des gens tout à fait respectables, mais moi j'ai rien à leur demander", se justifie-t-il. En 2022, on le retrouve donc sur France 3 avec Hôtel du Temps, une émission qu’il produit et anime, dans laquelle il interviewe, grâce à l’intelligence artificielle, des personnalités disparues.
Animateur et producteur, Thierry Ardisson a aussi publié plusieurs romans et essais, certains autobiographiques, d’autres reflets de son engouement pour la monarchie, dont Louis XX — Contre-enquête sur la Monarchie en 1986, Le Petit livre blanc, Pourquoi je suis monarchiste ou Confessions d’un baby-boomer.
"Humour-humiliation"
En décembre 2023, il avait été fait chevalier de la Légion d'honneur. Une reconnaissance qui avait suscité la colère de l’écrivaine Christine Angot, pour qui cette décoration était "une gifle".
"L’humour-humiliation, c’est le type de ‘service public’ que la télé française a rendu tous les samedis soir à la société pendant deux décennies, et qui se trouve aujourd’hui honorée des mains du Président quand il décore Ardisson”, avait-elle écrit dans une tribune publiée dans Libération.
D’autres personnalités, comme Judith Godrèche, Sara Forestier, Vahina Giocante et Olivier Assayas avaient également signé une tribune estimant que les "humiliations télévisuelles imposées aux femmes ne méritent pas de médaille".
"C’était outré", concédait l’intéressé en mai dernier sur France Inter, ajoutant cependant: "Mais de là à se battre la coulpe en disant ‘c’est terrible ce que j’ai fait, j’étais con, j’étais macho’, non, moi je n’étais ni con ni macho, j’étais Thierry Ardisson."
Bfmtv
Né le 6 janvier 1949 à Bourganeuf (Creuse), Thierry Ardisson a fait ses armes dans la publicité avec des slogans passés à la postérité, avant de passer sur le petit écran.
"Thierry est parti comme il a vécu. En homme courageux et libre. Avec ses enfants et les miens, nous étions unis autour de lui. Jusqu’à son denier souffle", a annoncé son épouse Audrey Crespo-Mara.
Connue pour ses interviews tranchantes, cette figure des talk-show a produit ou animé de nombreuses émissions cultes de Lunettes noires pour nuits blanches, à la fin des années 1980, à Paris Dernière, en passant par Tout le monde en parle ou Salut les Terriens!.
"Il ne faut pas avoir peur de la mort"
En 40 ans de carrière à la télévision, Thierry Ardisson a fait de ses provocations et de son humour noir une marque de fabrique, appliquant à ses émissions les concepts de sa première vie dans la publicité. Il invente ainsi les interviews formatées, "Info ou intox", "L’interview première fois", "Questions cons"… Un sens du timing et des gimmicks, comme "Magnéto Serge", "On ne bouge pas pendant le jingle" ou "Orlando exige le clip", qui se sont glissés à l’époque dans le langage courant.
En mai dernier, Thierry Ardisson écumait encore les plateaux pour la promotion de son livre L’Homme en noir, une autofiction mêlant des éléments biographiques et fictionnels.
"Il ne faut pas avoir peur de la mort", livrait-il ainsi dans une interview à Léa Salamé sur France Inter. "De toute façon, tout le monde meurt. Même Napoléon, qui était quand même un mec puissant, il est mort."
Dans ce livre, il évoquait ses nombreuses interviews bien sûr, mais aussi sa famille, dont il a longtemps eu honte. Enfant, il se sent "comme le cygne qui est né dans une famille de canards", avec ce sentiment de ne pas faire partie de la famille, comme il le racontait en mai 2023 sur BFM Business.
Fils d’un ingénieur dans le BTP, il ne comprenait pas "pourquoi (son) père avait une voiture qui n’était pas terrible", et "pourquoi la maison qu’on avait était moins bien que les autres". Enfant déjà, il rêve de célébrité, et écrit un livre dans lequel il s’auto-interviewe.
"Quand c’est trop, c’est Tropico"
C’est pourtant dans la publicité qu’il commence à travailler, à la fin des années 1960. "Ça a été ma grande école, ça a été mon université", livrait à BFM Business l’auteur de slogans comme "Vas-y Wasa!", "Lapeyre, y’en a pas deux", "Ovomaltine, c’est de la dynamite", ou encore "quand c’est trop, c’est Tropico". Il fonde même sa propre agence de publicité en 1978, une agence baptisée Business.
Mais après 15 ans dans la publicité, lassé de ce "boulot de menteur", il se tourne vers la télévision en 1980. Sa carrière commence à la faveur d’un premier coup d’éclat. Alors qu’il collabore au magazine Rock&Folk, pour lequel il réalise une interview-concept, baptisée "Descente de police", Yannick Noah lui confie qu’il fume de la marijuana. L’information fait scandale, Yannick Noah affirme que ses propos ont été déformés. Thierry Ardisson va défendre son interview au JT de TF1, déjà très à l’aise mais pas encore habillé en noir, pour sa première télé.
C’est avec ce même concept d’interview qu’il arrive à la télévision en 1985 avec sa toute première émission, intitulée également Descente de police.
Si la Haute autorité de l'audiovisuel met fin à l’émission quelques mois plus tard, la carrière de Thierry Ardisson est lancée. Il produit ensuite avec Catherine Barma, Face à France, programme présenté par Guillaume Durand, avant de lancer en 1988, l’émission Lunettes noires pour nuits blanches, enregistrée aux Bains Douches à Paris.
Assez rapidement, il adopte aussi un style vestimentaire qu’il ne quittera plus: pull noir, veste noire, pantalon noir.
"Je déteste qu'on me filme de dos parce que j'ai un gros cul et le dos voûté à force d'écrire des fiches toute la journée. C'est aussi pour ça que je m'habille en noir, parce que ça m'amincit. Puis pour être reconnaissable. Puis pour ne plus avoir à choisir", expliquait-il en 2018 à Society.
"Est-ce que sucer c’est tromper?"
Dès ses premières émissions, il imprime son style fait de questions, parfois très directes sur la vie privée de ses invités, et d’interviews formatées. Très bien renseigné sur la vie de ses invités, il leur pose des questions parfois très intimes.
Cela n’empêche pas les personnalités du showbiz, du sport ou de la politique de se presser sur le plateau de ses émissions Tout le monde en parle d’abord, (de 1998 à 2006 sur France 2) puis Salut les Terriens! de 2006 à 2018 sur Canal+ puis C8.
La liste de ses invités, de tous horizons, est impressionnante et comprend, en vrac, Mikhaïl Gorbatchev, Angelina Jolie, Mariah Carey, Jane Fonda, Serge Gainsbourg, Brad Pitt ou encore Robert De Niro.
En 1998, il rejoint France 2 pour co-animer d’abord avec Laurent Ruquier, l’émission Tout le monde en parle. Un talk-show dans lequel les animateurs posent des questions parfois provocantes aux invités, comme en 2001, lorsqu’il lance à l’ex-Premier ministre Michel Rocard, dans le cadre de l’interview "Alerte rose", "Est-ce que sucer, c'est tromper?".
"On m’a souvent reproché d’avoir été l’un des premiers à discréditer la parole politique à la télévision", argumentait-il dans Society. "D’abord, ce n’est pas moi qui suis allé chanter Les Feuilles mortes chez Patrick Sébastien, c’est Lionel Jospin. Donc je pense qu’ils sont assez grands pour se discréditer tout seuls".
Certains, cependant, apprécient peu ses interviews. Comme Milla Jovovitch, qui en 2002 quitte le plateau, furieuse d’une question sur son père, après avoir balayé son verre de la main.
Mais plus que de simples séquences à "buzz", les interviews de Thierry Ardisson, longues et fouillées, mènent parfois à des moments de confession de la part des invités, qui se livrent comme rarement sur un plateau.
"C’était la place du village, l’agora, le forum", expliquait en 2019 Thierry Ardisson à 20 Minutes. "C’était quand même dingue, c’était un phénomène de société. On est allés jusqu’à 2 millions de téléspectateurs, 32 % de parts de marché".
Interview et deepfake
Pourtant en 2006, contraint de quitter le service public, en raison de son contrat avec Paris Première, où il anime 93, faubourg Saint-Honoré, il arrête Tout le monde en parle et rejoint Canal+, chaîne sur laquelle il produit et présente Salut les terriens, alors diffusée en clair. Chaque semaine, entre 1 et 1,5 million de téléspectateurs sont au rendez-vous.
Entouré de chroniqueurs et d'humoristes comme Stéphane Guillon, Gaspard Proust, Laurent Baffie ou Alex Vizorek, il y commente l’actualité avec décalage et dérision. La collaboration avec le groupe Canal+ prend fin en 2019 et l'animateur termine sa carrière sur le service public et à Paris Première.
Lassé d’interviewer les vivants, le créatif invente alors "la première utilisation noble du deepfake". "J'ai rien contre Amel Bent, j'ai rien contre Amir, j'ai rien contre M. Pokora... C'est des gens tout à fait respectables, mais moi j'ai rien à leur demander", se justifie-t-il. En 2022, on le retrouve donc sur France 3 avec Hôtel du Temps, une émission qu’il produit et anime, dans laquelle il interviewe, grâce à l’intelligence artificielle, des personnalités disparues.
Animateur et producteur, Thierry Ardisson a aussi publié plusieurs romans et essais, certains autobiographiques, d’autres reflets de son engouement pour la monarchie, dont Louis XX — Contre-enquête sur la Monarchie en 1986, Le Petit livre blanc, Pourquoi je suis monarchiste ou Confessions d’un baby-boomer.
"Humour-humiliation"
En décembre 2023, il avait été fait chevalier de la Légion d'honneur. Une reconnaissance qui avait suscité la colère de l’écrivaine Christine Angot, pour qui cette décoration était "une gifle".
"L’humour-humiliation, c’est le type de ‘service public’ que la télé française a rendu tous les samedis soir à la société pendant deux décennies, et qui se trouve aujourd’hui honorée des mains du Président quand il décore Ardisson”, avait-elle écrit dans une tribune publiée dans Libération.
D’autres personnalités, comme Judith Godrèche, Sara Forestier, Vahina Giocante et Olivier Assayas avaient également signé une tribune estimant que les "humiliations télévisuelles imposées aux femmes ne méritent pas de médaille".
"C’était outré", concédait l’intéressé en mai dernier sur France Inter, ajoutant cependant: "Mais de là à se battre la coulpe en disant ‘c’est terrible ce que j’ai fait, j’étais con, j’étais macho’, non, moi je n’étais ni con ni macho, j’étais Thierry Ardisson."
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