Transferts d’argent : les diasporas africaines dans le viseur de Donald Trump

Rédigé par Dakarposte le Dimanche 8 Juin 2025 à 16:24 modifié le Dimanche 8 Juin 2025 16:28

Après avoir réduit l’aide à l’étranger et introduit des droits de douane élevés, l’administration Trump propose une nouvelle taxe sur les transferts de fonds vers l’étranger. Une mesure qui pourrait pénaliser lourdement les économies africaines les plus dépendantes des fonds envoyés par leurs diasporas.


Après avoir lancé une guerre commerciale à l’international avec ses droits de douane, le président américain Donald Trump s’attaque désormais aux transferts de fonds des diasporas. Une proposition de loi, incluse dans le projet de loi budgétaire surnommé « One Big Beautiful Bill », prévoit une taxe fédérale de 3,5 % sur les envois d’argent vers l’étranger effectués par des non-citoyens américains. Cette mesure, si elle est adoptée, pourrait avoir un impact significatif sur les économies de plusieurs pays africains.

La décision de Washington de suspendre les financements de l’USAID avait déjà suscité des inquiétudes à travers le continent africain, notamment en raison de ses répercussions potentielles sur la santé publique. Cette nouvelle proposition de loi, rapportée par le New York Times, accentue ces préoccupations. Elle prévoit que l’État américain prélève une commission sur tous les transferts d’argent vers l’étranger, ce qui pourrait affecter des économies dépendantes des envois de fonds de leur diaspora, comme le Nigeria, le Sénégal, ou encore le Liberia.


Une taxe fédérale de 3,5 %

De nombreux migrants installés aux États-Unis envoient régulièrement de l’argent à leurs familles restées au pays, constituant ainsi une source de revenus essentielle pour ces dernières. Si la proposition de loi est adoptée par le Sénat, les États-Unis deviendraient le pays du G7 où les transferts de fonds sont les plus coûteux.


La législation prévoit que les immigrés sur le territoire américain paient un impôt fédéral supplémentaire de 3,5 % sur la somme envoyée à l’étranger, en plus des frais de transfert déjà existants, qui s’élèvent en moyenne à environ 6 %. Ainsi, pour 100 dollars envoyés, plus de 10 dollars seraient prélevés en frais et taxes.


Cette mesure s’inscrit dans la lignée des politiques anti-immigration actuelles de l’administration Trump, visant à décourager l’installation de nouveaux migrants et à inciter ceux déjà présents à quitter le pays.




Une dépendance accrue aux transferts de fond

Dans de nombreux pays, les familles dépendent fortement de l’argent envoyé par leurs proches à l’étranger. Par exemple, les transferts de fonds vers le Nigeria représentent environ 38 % des flux de transferts de fonds vers l’Afrique, soit plus de 19,5 milliards de dollars. D’autres pays, comme la Gambie, le Lesotho et les Comores, voient ces transferts contribuer à plus de 20 % de leur PIB.


Le Sénégal, classé par la Banque mondiale comme l’un des pays les plus dépendants aux transferts de fonds, pourrait également souffrir de cette nouvelle législation. En 2023, les envois de fonds étrangers ont rapporté environ 3 milliards de dollars au pays, soit plus de 10 % de son PIB, faisant du Sénégal le pays d’Afrique francophone le plus touché.

En 2024, selon la Banque mondiale, les États-Unis restaient la principale source d’envoi de fonds des diasporas vers leurs proches. Sur les 56 milliards de dollars envoyés vers l’Afrique subsaharienne cette année-là, près de 10 milliards proviennent des États-Unis.

Le Partenariat mondial pour la connaissance sur la migration et le développement (Knomad) a tenté d’estimer les transferts de fonds en provenance des États-Unis pour chaque pays en 2021. D’après leurs chiffres, le Nigeria (5 711 millions de dollars), l’Égypte (1 838 millions), le Kenya (1 294 millions), et le Ghana (1 142 millions) ont reçu les sommes les plus importantes sur le continent africain. La Tunisie et le Sénégal suivent de près, avec respectivement 446 et 308 millions de dollars.

Cependant, si l’on rapporte ces chiffres à l’ensemble des fonds envoyés depuis le monde entier, des pays comme le Liberia (66 % du total provenant des États-Unis), la Sierra Leone (40 %), le Kenya (34 %) ou l’Éthiopie (33 %) apparaissent comme particulièrement dépendants aux aides envoyées par leurs ressortissants installés aux États-Unis.

Un gain financier nécessaire

Dans un pays comme le Liberia, fondé par esclaves américains affranchis en 1847, et où près de 19 % du PIB provient des transferts de la diaspora, cette nouvelle réglementation pourrait avoir des conséquences catastrophiques, rappelle le New York Times.

Ces difficultés pourraient pousser les Africains à se tourner vers les cryptomonnaies ou vers des moyens peu sûrs pour envoyer de l’argent, comme les coursiers informels, augmentant ainsi les risques de fraude et de pertes financières.



























Jeune Afrique
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