Coup de fil de Macron à Macky : Un signal aux Présidents du G5 ?

Le Président français, Emmanuel Macron, s'est entretenu au téléphone avec son homologue sénégalais, Macky Sall, jeudi 29 juin. Selon l'Élysée, reprise par l'ambassade de la France au Sénégal, les deux chefs d'État ont évoqué "la situation régionale à la veille du sommet du G5 à Bamako".

Ce dimanche 2 juillet, le Mali accueille la réunion de l'organisation mise sur pied en février 2014, pour coordonner la lutte contre le terrorisme dans le Sahel. Celle-ci est composée, en plus du pays hôte du sommet, du Tchad, du Niger, de la Mauritanie et du Burkina Faso.

Emmanuel Macron et Macky Sall ont "abordé la situation sécuritaire au Sahel, dans le cadre de la concertation permanente sur les enjeux régionaux et internationaux entre la France et le Sénégal", a précisé l'Élysée. Qui a souligné que Dakar est un "contributeur important de la MINUSMA (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali) et membre du Conseil de Sécurité des Nations unies".

La présidence française a ajouté que l'entretien entre les deux Présidents complète leurs échanges lors de la visite de Macky Sall en France, le 12 juin, et la discussion entre ce dernier et le ministre français de l'Europe et des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, le 15 juin à Dakar.

Macky Sall : "Il est anormal que nous soyons exclus…"

Rien de surprenant, donc, a priori. Mais, vu le contexte de sommet du G5 Sahel dans lequel elle a eu lieu, cette entrevue interpelle. Et pour cause : Dakar n'a jamais compris sa mise à l'écart de cette organisation. "Il est anormal que nous soyons exclus de certains formats", avait protesté Macky Sall, le 11 mai 2014, auprès de Jean-Yves Le Drian, alors ministre français de la Défense.

Trois mois plus tôt, à la suite du lancement du G5, le même mois, le ministre sénégalais des Affaires étrangères, Mankeur Ndiaye, étalait, en des termes moins crus, les états d'âme de son pays.

"Nous saluons cette initiative, mais ces pays sont également conscients, qu'à eux seuls, ils ne peuvent pas lutter contre le terrorisme dans le Sahel", pronostiquait le chef de la diplomatie sénégalaise. Lequel s'était empressé d'ajouter que, malgré tout, Dakar est disposé «à coopérer» avec le G5. "Nous sommes au moins frontalier avec deux pays parmi les cinq (le Mali et la Mauritanie)", justifiait-il.

L'heure de cette coopération a-t-elle sonnée ? Le G5 est tenaillé par les incertitudes. L'organisation peine à mobiliser les 400 millions d'euros (262 milliards de francs Cfa) nécessaires pour le fonctionnement de sa force militaire dont le lancement est prévu ce dimanche dans la capitale malienne. L'Union européenne a mis la main à la poche, mais juste pour donner le huitième du budget espéré, soit 50 millions d'euros (32,7 milliards de francs Cfa).

Le coup de gueule d'Idriss Déby

Autre nuage sombre : les difficultés à rassembler les 10 000 hommes de la force du G5 Sahel. Et pour ne rien arranger, le Président tchadien, Idriss Déby, menace de retirer ses soldats des opérations militaires en Afrique. Son pays vit en ce moment une crise économique aggravée par la baisse des cours du baril du pétrole.

"Nous n'avons pas du tout été soutenus sur le plan financier, économique. Si rien n'est fait, si ça continue, le Tchad sera dans l'obligation de se retirer, a-t-il menacé dans un entretien avec Rfi, TV5 Monde et le journal Le Monde. Nous ne pouvons pas continuer à être partout, au Niger, au Cameroun, au Mali. Tout cela coûte excessivement cher. Avoir 1.400 hommes au Mali (…) et dans le même temps avoir 2.000 soldats dans le G5 Sahel : on ne peut pas faire les deux à la fois."

Sans l'armée tchadienne, la force du Sahel risque de ne jamais voir le jour ou bien d'être une force au rabais. En appelant au téléphone son homologue sénégalais, à la veille du sommet de Bamako, Macron anticipe-t-il une bouderie de Déby ? Cherche-t-il à signaler à ses pairs tchadien, malien, nigérien, burkinabé et mauritanien que le Sénégal est incontournable dans la lutte contre le terrorisme dans le Sahel, qu'il faudrait envisager un partenariat avec Dakar, voire son intégration comme membre de l'organisation ?