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Contre les nouveaux pudibonds*

Rédigé par Dakarposte le Mardi 21 Juin 2016 à 08:02

Contre les nouveaux pudibonds*

Être choqué est désormais devenue une profession de foi au Sénégal. On est choqué par tout et n’importe quoi. Une tenue osée ou une pose suggestive suffit à secouer les bonnes âmes qui y voient un avatar du déclin de nos valeurs. Hier, Oumy Gaye, pour avoir osé le leggings, aujourd’hui Déesse Major, pour une danse un peu trop suggestive (sans parler de l’épisode de Guddi town). Ces groupuscules puritains réunis autour du Comité pour la défense des valeurs morales se sont arraché la barbe en regardant la vidéo hot de la rappeuse publiée sur Snapchat., où elle y apparait vêtue en minishort et décolleté se laissant aller à une danse érotique.

Cette excentricité de la chanteuse n’est pas passée inaperçue puisque la vidéo a été très vite reprise sur les réseaux sociaux et les médias en ligne. Une provocation de trop pour ces censeurs, qui s’indignent ad nauseam de l’attitude désinvolte de la chanteuse que l’on accuse d’être en « porte à faux » avec les « valeurs religieuses et morales » sénégalaises.

De quelles valeurs sénégalaises parlent nos Mollahs 2.0 qui vont puiser sur Snapchat l’objet de leur hallali ? En matière de perversion la danse sénégalaise a toujours occupé le haut du podium. Nos tatas ne dansaient-elles pas le « Tatou laobé », « Oubil Mbarka Ndiaye » ou encore le « Ventilateur ». Avec des expressions polies à faire roussir la barbe de n’importe quel Ayatollah !

Aujourd’hui, ce déferlement de pudibonderie gourmée sur la Déesse, nous montre à quel point l’on peut être ridicule à la limite du grotesque. Pourquoi s’attarder sur les délires d’une artiste en manque de popularité qui multiplie les sorties extravagantes dans l’unique but de se faire remarquer ? Pour faire diversion après le tollé suscité par la libération annoncée de Karim Wade ? Je ne pense même pas que l’imagination des hommes qui nous gouvernent atteigne un tel niveau de cynisme.

Ce qui est en cause ici, c’est le retour de l’ordre moral. Depuis quelques mois une nouvelle caste d’individus s’est arrogé le magistère du bon goût et de la bonne tenue morale au Sénégal. On les entend à longueur de prêches, de communiqués, de sermons, déclamer contre ce qu’ils appellent faussement des atteintes à la tradition sénégalaise. Il serait très intéressant de s’arrêter un tant soit peu sur la psychologie de ces individus maléfiques n’ayant pour seule vocation l’appel à la censure et l’interdit.

Jamais vous ne les entendrez prononcer un mot de paix ou d’ouverture, jamais vous ne surprendrez chez eux le plus petit signe d’humour. Raides comme la justice, la mine sombre, ils n’ont que la haine comme projet de société. Haine contre la démocratie, haine contre la tolérance, haine contre la mixité, haine contre la légèreté, haine contre le bonheur.

On les entend souvent taxer leurs adversaires- c’est-à-dire tous ceux qui n’ont pas l’heur de penser comme eux ni de se soumettre à leur doxa- de complexés voulant l’occidentalisation du Sénégal. Pourtant, ce sont les plus grands complexés sur terre. Au fond, ils méprisent, plus que tout, la culture négro-africaine. Ce qu’ils souhaitent c’est « afghaniser », « arabiser » à grande échelle. Leur rêve est de voir les burqas noircir les rues de Dakar et sans doute la Charia supplanter la Constitution républicaine. Ils ne le disent pas encore très ouvertement, mais ça ne saurait tarder.

Par hypocrisie et peur de s’attirer des anathèmes, la classe politique, qui fait preuve de beaucoup de lâcheté en la circonstance, se tait face à cette dérive obscurantiste, sans savoir qu’elle est en train de creuser sa propre tombe à terme.

*Titre de l'ouvrage  de Jean Claude Guillebaud, La Vie vivante, contre les nouveaux Pudibonds
 

Auteur: Lala Ndiaye - Seneweb.com




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