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Le Sénégal, Tête de Turc d’Erdogan ?

Rédigé par Dakarposte le Vendredi 2 Mars 2018 à 17:20 modifié le Vendredi 2 Mars 2018 - 17:24

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Le Sénégal, Tête de Turc d’Erdogan ?
 

Alléché par l’odeur du pétrole et réconforté par la pluie des marchés juteux qui sont attribués aux entreprises de son pays, le président turc, Erdogan, a fait un tour dans notre pays, non seulement pour renforcer son emprise sur le marché des viennoiseries englouties par nos enfants, mais surtout pour prendre date et réaffirmer à nos gouvernants qu’il peut tout exiger d’eux, le preuve étant faite que nous obéissons à ses désirs, le petit doigt sur la couture de nos thiayas, plutôt de nos sarouels, pour rester dans la mode vestimentaire turque.

Il a eu la bonté de terminer le boulot de Saudi Bin Laden pour notre aéroport futuriste, ce qui lui confère un statut de sauveur que nous avons dû remercier en obtempérant sans moufter à son injonction paranoïaque de fermer, au détriment de milliers d’élèves, les établissements scolaires Yavuz Selim, au motif qu’ils servaient à financer un de ses adversaires politiques. Nous l’avons accueilli en nous bouchant le nez concernant sa vision des droits de l’homme plutôt étriquée, et lui avons signifié de ce fait que nous n’étions pas si regardants, tant qu’il concourt à remplir le carnet de financement de notre PSE. Cela lui donne-t-il le droit de s’immiscer dans notre mode de gouvernance et de toiser, en se moquant, notre président, quand il pointe le nombre de ministres de son gouvernement, ne voyant pas la fin de l’exercice de serrement de mains auquel il fut confronté ?

C’était ce mercredi, à l’Aéroport international Blaise Diagne, qu’il s’est passé une scène qui renseigne sur la perception que certains hommes d’Etat étrangers ont des pléthoriques gouvernements africains.  En clair, au moment où le président de la République présentait à son hôte ses ministres, nez à nez avec Pape Abdoulaye Seck, le chef de l’Etat turc, apparemment fatigué de saluer tout ce beau monde, demande à son homologue sénégalais: «Tu en as combien ?». «Ils sont trente-neuf», répond Macky, un chouia gêné.

«Mach’Allah ! Tu as beaucoup d’enfants. Moi j’en ai vingt», s’est amusé un Recep Tayyip Erdogan sur le mode railleur. Il est vrai que, au ratio, la population de la Turquie tourne autour de quatre-vingts millions d’habitants. D’ailleurs même nous on ne s’y retrouve pas, tellement la liste est longue.

D’ailleurs, comment connaître par cœur la liste des ministres et leurs fonctions? Il suffit de suivre les annonces de soirées folkloriques et musicales et autres «Foureuls» pour savoir quels sont nos ministres et quels ministères ils occupent. Toutes les semaines, leurs noms sont criés sur les ondes des radios pour annoncer qu’ils patronnent une soirée ou un grand bal. Nous qui croyions que le chef de l’Etat avait dit «stop» aux fêtes en tous genres et en tous temps pour que ce pays travaille enfin…

Mais c’est sans compter avec notre propension à attirer les mouches avec du miel. Il est véritablement inconvenant que tout notre gouvernement soit crié dans les radios pour annoncer une fête où nous sommes certains de voir jetés des millions en billets neufs et de façon souvent vulgaire, au nez et à la barbe d’abord des Impôts et de bien des Sénégalais qui tirent le diable par la queue, quand il trouvent le diable d’ailleurs.

Du président de la République, en passant par son épouse, tous les ministres sont convoqués à ces agapes inutiles où leur «concours» est demandé et souvent obtenu à travers de grasses enveloppes apportées par les attachés de cabinet ou leurs épouses et ce, en grande pompe et sans contrôle de quelque Dage de ministère que ce soit. Véritablement, voir les noms de nos présidents, ministres, DG mêlés à des soirées où se dandinent toutes sortes de personnages, et parfois les plus douteux, dont certains finissent souvent dans les pages infamantes des faits divers judiciaires, est proprement pas distingué et ne donne pas l’exemple d’une nation au travail.

Ce n’est pas aux institutions de sponsoriser des khawarés et ce n’est pas à notre président de la République et à son épouse de payer les dépenses de ces «anniversaires bidon» d’artistes qui ne vendent que des centaines de cassettes au Sénégal. Sinon, il nous est loisible de penser que notre gouvernement est le premier des entertainers et le plus bel exemple de ce qu’on peut appeler des ambianceurs de basse-cour…

Erdogan nous a juste rappelé qu’il est urgent de stopper ce folklore, Monsieur le président. Arrêtez ce bazar indécent et inconvenant et tapez du poing sur les pupitres des MC de pacotille qui tympanisent et brouillent nos attentes républicaines et réellement culturelles. Pour que le Sénégal se mette au boulot et ses ministres au travail et plus sur la scène du Grand Théâtre ou de Sorano. Ce n’est pas là qu’on les attend.

Monsieur le Président, que vous et votre épouse donniez l’exemple en refusant d’être mêlés à de telles annonces publicitaires… Vous vous étonnez que pour Erdogan, nous puissions être sa « Tête de Turc » ? La réponse est dans la question…

Jean Pierre Corréa

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