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Le mépris des binationaux

Rédigé par Dakarposte le Vendredi 19 Août 2016 à 00:40

Le mépris des binationaux

Difficile de reconnaître le Sénégal terre d’accueil, pays d’ouverture et de brassage de culture. Un modèle jadis vanté à travers le monde, aujourd’hui en passe d’être « ivoirisé » par des esprits faibles qui travestissement leur serment et peinent à élever le niveau d’un débat politique qu’ils tentent de réduire à une affaire de citoyenneté. Comme si eux-mêmes ignoraient la nationalité étrangère de ce Premier ministre qu’ils ont nommé à la tête du gouvernement, en 2012. Bienvenue dans le Sénégal de Macky Sall, un pays qui méprise ses binationaux.

La pente est dangereuse et le pays a besoin d’un sursaut national à même de faire stopper ces sorties inopportunes, voire dangereuses, sources de menaces sur la cohésion sociale, lorsqu’elle est agitée pour des motivations essentiellement politiciennes, la citoyenneté d’untel, perçu tel un adversaire politique gênant. Hier à la tête d’un gouvernement qui justifiait la levée de l’immunité parlementaire de députés opposants, traqués, empêchés de voyager, emprisonnés. Aujourd’hui victime de cette même pratique totalitaire dont on aura été solidaire.

L’histoire se répète et entre temps, les rôles ont été inversés… Comme il convient d’inverser la courbe des atteintes aux libertés fondamentales, qui va crescendo dans un pays où la pensée unique gagne du terrain. Dire que depuis 2012, des enjambées notoires ont été effectuées sur la piste du recul démocratique et de l’instrumentalisation de la fibre nationaliste devenue le jeu favori de ces politiciens affiliés au camp du pouvoir. Tels des mômes dans une cour de récré, le bruit fuse de partout.

L’inculture s’installe et donne libre court aux idées les plus farfelues, relayées dans la pagaille médiatique. Diversion ! Au lieu de répondre aux interpellations multiples sur le bradage achevé des nouvelles ressources du pays et le rôle du frère du président dans ces nébuleuses, Macky Sall et ses lieutenants imposent à l’opinion, un débat d’un piètre niveau, sur les origines sociales ou ethniques des personnes. Une impertinence à laquelle la classe politique dans son ensemble devrait répondre par le mépris.

Un pays de la sous-région, aujourd’hui encore, paie les errements d’une classe politique dirigeante qui en son temps, avait fait de la question de l’« ivoirité », le thème central des palabres et discussions, dans le seul but d’écarter des adversaires politiques. Des milliers de vies auraient pu être sauvées si les « Macky » de la Lagune Ébrié s’étaient gardés, en toute responsabilité, d’instrumentaliser une question qui aura été fatale à tout un pays.

Quid du Sénégal ? 4 ans ont suffi à l’actuel régime pour parachever son entreprise de démolition des acquis démocratiques obtenus d’âpres luttes : emprisonnements d’opposants politiques, répressions des manifestations et rassemblements pacifiques, immixtion de l’exécutif dans les affaires judiciaires, fermeture et en menaces de fermeture d’organes de presse ; une foire à la transhumance qui bat des records, renforcement des pouvoirs du chef de l’État.

Le tableau est déjà sombre et Macky Sall veut aller plus loin dans sa volonté unilatérale d’épuration de toute personne qu’il pense pouvoir lui barrer la route à une réélection, lorsque lui-même s’avère être l’instigateur de la regrettable polémique soulevée autour de la nationalité. Macky Sall lui-même a sans doute fait ébruiter volontairement, dans la presse, des confidences sur les nationalités de Wade et de Diouf, alors que sa stature de chef d’État devrait lui interdire de descendre aussi bas. Ce qui conforte la conviction selon laquelle, ce faux débat, c’est le chef de l’État, en personne, qui l’entretient pour des raisons que l’on peut deviner aisément.

À quoi bon ? Savoir si Wade est toujours Français ou si Diouf est exclusivement de nationalité sénégalaise, ne saurait faire avancer un pays qui a eu malheur de tomber entre des mains inexpertes et peu averties. Il est à redouter que le chef de l’État, dans les jours qui viennent, comme ce fut le cas lors de la levée de l’immunité parlementaire de députés opposants, en arrive à instrumentaliser encore une fois sa majorité parlementaire, pour légiférer sur une durée de renoncement à une nationalité étrangère, pour ces candidats binationaux que le pouvoir cherche à diaboliser à tout prix.

Enfin, ce n’est pas tant la nationalité sénégalaise ou étrangère de nos hommes politiques qui importe, mais leur expérience, leur expertise, leur culture. Aussi, leur capacité à respecter leurs engagements et à tenir leurs familles biologiques respectives, à bonne distance des affaires de l’État. Ce qui compte enfin, c’est le patriotisme, le savoir-faire étranger conjugué à la richesse de la double culture que les binationaux peuvent apporter au pays. Tout le reste n’est que futilité.
 

Auteur: Momar Mbaye




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