Dakarposte.com - Le site des scoops
Dakarposte.com
 

​Hommage à Feu Madame Awa Diop, ex-député libérale

Rédigé par Dakarposte le Mardi 10 Mai 2022 à 16:23

 Le 21 Juillet 2021, jour d"Aïd El Kebir, fête de la Tabaski, Awa Diop, la "lionne" de Rufisque, quittait ce bas monde, à l'âge de 73 ans. A l'évocation de son nom, c'est tout le landerneau politique, les sénégalais dans leur entièreté, qui se rappellent de cette militante exceptionnelle du parti démocratique sénégalais (Pds) qui a joué un rôle éminemment important dans la conquête des libertés fondamentales au Sénégal, en s'imposant de si belle manière sur la scène politique en général, à l'Assemblée nationale en particulier. Aujourd'hui qu'elle n'est plus, les Législatives de juillet prochain pourraient servir de prétexte pour se souvenir de l'ex-député libérale et par la même occasion lui rendre un hommage posthume.
     « Dame de fer", Awa Diop préférait qu'on l'appela plutôt "Wadiste", n'était pas une femme à parler, mais, pour les besoins d'un entretien que j'avais sollicité, elle m'a reçu dans sa résidence à Yoff, où elle consommait tranquillement sa retraite politique.  Elle est revenue sur les séquences rythmées de sa jeunesse, son cursus scolaire et professionnel, et tout naturellement sur sa vie politique. Tel un roman palpitant qui se décline en plusieurs clichés.
     De famille léboue modeste, Awa Diop naquit en 1948 à Diockoul Ndiourène, un quartier de la commune de Rufisque Ouest. Une naissance qui coïncide avec l'année symbolique, elle-même consacrée aux revendications de libertés syndicales dans le monde. Cette date repère va d'ailleurs la poursuivre et même déteindre sur sa vie politique.
           Awa Diop a très tôt milité à la branche locale de l’Union progressiste socialiste de Rufisque dont Feu son père Ismaila Diop, un fonctionnaire de l’administration sénégalaise, en était un éminent membre, très influent. Awa, la jumelle choyée par ses parents, grandit sous la tutelle familiale sans jamais faiblir devant les hommes. Elle n'était pas de ces femmes-là qui, devant le risque d’une humiliation, ne savaient pas se défendre. Awa détestait le mensonge et l'injustice. "J'ai hérité ce tempérament de mon père, un homme de principes, de vertus et de rigueur", lâchait-elle.      
     Déjà, reconnue comme une élève turbulente à l’école municipale de Rufisque tout comme à l'école Santhiaba, bourreau des garçons de son âge, Awa Diop était redoutée par son franc-parler et sa quête d'équité. En illustration : son opposition contre une décision de la Direction de son école de réserver des places aux seuls élèves "toubabs" dans le bus de transport de l'école. Ce fut un grand tollé. N’avait-elle pas mesuré les conséquences qui pouvaient en découler ? Awa Diop dut arrêter malheureusement les études, en classe de 5e au collège privé Mame Coumba Lamba de Rufisque, pour se consacrer à son mariage. Après, elle reçut une formation en dactylographie et sténographie, affectée ensuite à Méwane comme animatrice. Poste qu’elle ne regagna point. Ensuite, elle est embauchée à la mairie de Rufisque en qualité de secrétaire, et quelques années plus tard, au bureau des entrées de la Maternité de l’hôpital Aristide Le Dantec, puis au bureau de l’Organisation mondiale de la santé à Dakar.
       Son adhésion au Pds en 1975 a fait le buzz dans tout Rufisque. Comment la petite-fille à Alioune Badara Mbengue, responsable attitré du Ps, pouvait-elle s'opposer à son grand-père ? C'était la question qui brûlait toutes les lèvres à Rufisque. Aux règles et dynamiques traditionnelles chez les Lébous, l'on ne peut admettre cette insoumission, une défiance même de sa part, mais contre toute attente, elle reçoit la bénédiction de son père.
  Combattante née, Awa Diop, militante de la première heure du Parti démocratique sénégalais (Pds), va se singulariser dans toutes les batailles menées par son mentor et son secrétaire général, Me Abdoulaye Wade. Awa faisait partie des cerveaux du Parti libéral, impliquée secrètement dans l’organisation de missionnaires dans les Départements du Sénégal, se rappela-t-elle. Et de préciser : "les renseignements généraux (Rg) suivaient tous mes déplacements,  partout, comme du lait sur le feu. Mais, comme en ces temps-là, il n’y avait pas de portable, je savais comment contourner les guet-apens savamment mis en place par les Préfets pour déjouer mes plans". Véritablement, Awa Diop, l'amazone du parti libéral, aura donné beaucoup de fil à retordre au régime socialiste.
    Son opposition contre le Président Abdou Diouf et les siens lui a valu des intimidations, parfois des arrestations de la police. Mais quelle ténacité cette dame ! Pour marquer sa fidélité au "Pape" du Sopi, Awa fit preuve d'une pugnacité incroyable. Elle s'est illustrée en héroïne sur tous les fronts. En 1978, à l’élection présidentielle à laquelle Me Abdoulaye participe, pour la première fois. Awa Diop s'était même opposée, farouchement, à Abdou Mody Ndiaye, un frère à son père. D'où le sobriquet de "Gaindé", que lui colla la jeunesse rufisquoise, à l'époque. Puis, vint la fourchette 1988-2000, années de braises qui ont accouché de la première alternance politique au Sénégal. Me Abdoulaye Wade, son mentor, accède enfin à la Magistrature suprême du Sénégal !
    Femme d’expériences, Awa Diop a occupé diverses responsabilités politiques : première femme à siéger au comité directeur du Pds, élue députée pour la première fois en 1993, présidente du collectif des femmes parlementaires, ministre délégué en 2006, première femme questeur à l’Assemblée nationale, secrétaire générale de la section PDS de Dakar, conseillère municipale a la ville de Rufisque, présidente nationale des femmes du PDS (jusqu'ici, elle détient le record de longévité). Seulement, ce poste stratégique n’a pas été un long fleuve tranquille puisque Awa Diop a connu beaucoup de déboires et d'ennemis, avoua-t-elle. Cependant,  lorsque la présidence du Secrétariat national était vacante, sa candidature retenue, Awa Diop bénéficia du soutien des femmes libérales. Malheureusement, à l’élection présidentielle du 25 mars 2012, le Pds perd devant un des leurs, Macky Sall, et retourne dans l'opposition. Sans prophétiser, elle avait vu venir la défaite : "les signes cliniques de cette déchéance étaient visibles, mais point de thérapie, c'était alors inéluctable", clama-t-elle, sans entrer dans les détails.
  Que retenir de Awa Diop ? Malgré les soubresauts du terrain politique et les vicissitudes de la vie, Awa Diop est restée fidèle à Me Abdoulaye Wade, contrairement à ses "frères" et "sœurs" de parti qui ont quitté le navire bleu. On ne fera pas ici l'apologie de l'entrisme ou de la transhumance politique. Ses proches gardent de la "lionne de Rufisque" : sa piété religieuse, sa proximité et sa générosité auprès des siens, sa discrétion et son efficacité,  ses aptitudes en communauté, sa mission sacerdotale au sein de l'hémicycle, son rôle catalyseur pour l'émancipation et la participation conscientes des femmes en politique.
      Aujourd'hui que les Législatives sont fixées au 31 juillet, les femmes candidates à la députation devront s'inspirer de la riche carrière de Awa Diop, la "Wadiste", au sens positif de se confondre en un modèle de député qui aura joué pleinement son rôle à l'Assemblée nationale et à l’enracinement de la démocratie au Sénégal.


Par Gallo Thiam
(Médina, Dakar)
gallo1958thiam@gmail.com



Inscription à la newsletter






Vidéos & images