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Au Liban, une fête nationale aux accents de révolte

Rédigé par Dakarposte le Samedi 23 Novembre 2019 à 01:49

Le Liban a célèbré vendredi sa fête nationale, alors que se poursuit un mouvement de protestation sans précédent contre la classe dirigeante dans tout le pays. Des "défilés civils" ont parcouru Beyrouth pour célébrer une "nouvelle indépendance".


Le Liban a célébré, vendredi 22 novembre, sa fête nationale en pleine contestation populaire. À Beyrouth comme partout dans le pays, ce 76e anniversaire revêt pour beaucoup les traits d'une "nouvelle indépendance", qui doit se concrétiser par un programme inédit.

Depuis le 17 octobre, le pays vit au rythme d'un mouvement de protestation sans précédent contre l'ensemble de la classe dirigeante. Il a insufflé chez des centaines de milliers de Libanais de tous bords l'espoir d'une refonte du système de gouvernance, inchangé depuis des décennies et jugé sectaire et défaillant.

Pas de défilé militaire mais des "défilés civils"

Cette année, contestation oblige, le programme des festivités a été chamboulé. Le défilé militaire traditionnel organisé chaque année sur le front de mer, non loin de la place des Martyrs, devait être remplacé par une célébration plus modeste au ministère de la Défense.

À la place, de nombreuses "parades civiles" ont convergé, drapeaux libanais au vent, vers la place des Martyrs dans le centre-ville, haut lieu de la contestation, où la foule a commencé à s'agglutiner par milliers. Sur place, des manifestants ont installé des barricades des deux côtés de la route pour réserver une haie d'honneur à ces délégations -parfois regroupées par corps de métiers-, dans une marée de drapeaux, d'étendards et de chants.

"Le message important aujourd'hui, c'est que le Liban est de nouveau uni", a dit une jeune manifestante, Jilnar Moukhayber. "La parade civile est là pour signifier que tous les citoyens sont les bienvenus."

"C'est la première fois que les Libanais, toutes communautés confondues, manifestent massivement sans l'appel d'aucun parti... et contre tous les partis", s'enthousiasme Tamara, étudiante de 21 ans, interrogée par l'AFP. "C'est ça, la vraie indépendance !"

Pour Carla Edde, historienne à l'université Saint-Joseph de Beyrouth, il faut interpréter cette mobilisation comme le début "d'un projet national".

"C'est un mouvement social qui mobilise de larges pans de la société et l'intégralité du Liban", explique l'universitaire au micro de France 24. "Ils se battent pour une société plus juste et inclusive, pour un État de droit et une justice indépendante. Ce projet veut refonder les bases de l'État libanais."

Une détermination toujours intacte

La cérémonie protocolaire prévue au palais présidentiel, après la revue des troupes, a également été annulée. Pour Wajed, manifestant de la première heure, cela constitue en soi une "victoire" de plus pour un mouvement qui a déjà entraîné la démission du gouvernement.

Le revers de la médaille est la crise économique et financière persistante – un déclencheur du mouvement –, ainsi que l'absence d'issue politique jusque-là. Deux personnes sont en outre mortes en marge des manifestations. Mais la détermination ne faiblit pas, et les appels ont fusé sur les réseaux sociaux pour organiser les "défilés civils".

"Il y a plein de marches, mais celle-là, c'est la plus folle ! J'espère que ce jour d'indépendance 2019 sera un tournant", a commenté Leïla, la cinquantaine, timbales en mains, en participant à un défilé se rendant de Hamra au centre-ville. "Jusque-là, on avait les pieds de nos politiciens sur nos têtes. Nos poches sont toujours vides, mais on a retrouvé une dignité."

Un hommage aux manifestantes

Cierges, lampes torches de téléphones portables ou encore briquets—: les manifestants sont aussi appelés, via la messagerie WhatsApp, à faire jaillir la "lumière de l'indépendance" après la tombée de la nuit, sur tout le territoire. À Saïda, dans le sud du pays, un rassemblement est prévu sous le signe de l'indépendance à l'égard de "l'obscurité, du vol, de la corruption et de la pauvreté". Une version révisée de l'hymne national circule pour rendre hommage aux femmes, en première ligne de la contestation.


Non loin de l'imposante mosquée Al-Amine, Youssef el Gherez a érigé avec d'autres des tentes où se déroulent, pêle-mêle, réunions de coordination, débats et même séances de yoga. "Les gens commencent à modifier leurs habitudes (...). Ils veulent changer les choses en profondeur, jusqu'aux racines", estime-t-il.

Galvanisés, de nombreux expatriés ont eux aussi décidé de participer à ce 22 novembre hors du commun. Une campagne a émergé sur les réseaux sociaux, explique Tracy Saad, une étudiante de 23 ans à Amsterdam, qui en est l'une des coordinatrices.

Des expatriés rejoignent les célébrations

"Nous nous sommes organisés en groupes pour négocier des tarifs préférentiels", raconte-t-elle, ajoutant fièrement que le prix d'un Dubaï-Beyrouth avait ainsi chuté de 400 à 215 dollars.

Quelque 600 personnes devaient ainsi voyager en provenance du Golfe, d'Europe, d'Amérique du Nord ou encore d'Australie. Vendredi, ils se dirigeront en cortège de l'aéroport à la place des Martyrs pour prendre part aux festivités populaires.



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