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Suspecté, accusé et souvent condamné par une certaine opinion, le Procureur clame son innocence

Rédigé par Dakarposte le Lundi 6 Mars 2017 à 08:09

Suspecté, accusé et souvent condamné par une certaine opinion, le Procureur clame son innocence

Ce qui s’est passé vendredi dernier est loin d’être habituel. Le Procureur de la République, Bassirou Guèye, habitué aux réquisitoires a, cette fois-ci, enfourché des habits de défenseur. Il a assuré sa propre défense et celle de la Justice. Et de quelle manière.

Sur son travail de maître des poursuites, il a soutenu et martelé que les dossiers de Bamba Fall et Cie, celui d’Abdoul Mbaye et de Khalifa Sall, pour ne citer que ceux-là, ne sont pas politiques. Qu’il a fait son travail habituel de traque des délinquants, que ceux-ci appartiennent au landerneau politique ou pas. Ce faisant, il a brandi des menaces contre ceux qui seraient tentés de s’attaquer aux magistrats et à la justice qui, à ses yeux, sont trop souvent et injustement cloués au pilori. A bien des égards, cette sortie rappelle celle du Premier ministre Mahammad Boun Abdallah Dionne qui, répondant aux détracteurs de Aliou Sall dans l’affaire Pétrotim, avait pratiquement utilisé les mêmes propos que le Procureur Bassirou Guèye. Pour tous les deux, il s’agit de faire taire ce qui, à leurs yeux, ne sont que des rumeurs tendant à discréditer d’honnêtes citoyens. Le Procureur clame son innocence et révèle, en filigrane, quelque chose d’intéressant, à l’analyse.  Il est en train de nous dire qu’il travaille en toute indépendance, dans le secret de son cabinet, sans aucune pression de la part de l’Exécutif, malgré le principe d’hiérarchie qui le met, de facto et de droit, sous tutelle. C’est très important de souligner cet état de fait parce que le Procureur général Bassirou Diagne ne disait pas la même chose du Ministre de la Justice Cheikh Tidiane Sy avec qui il a eu des relations difficiles. Si au moment où Khalifa Sall empêche le pouvoir de s’épanouir politiquement à Dakar, malgré la présence de nombreux ministres de la zone comme Seydou GuèyeHamadou Bâ, Mbaye Ndiaye, etc., à quelques mois des législatives, si le Procureur n’a ouvert le dossier que par conscience professionnelle, cela nous rassure.  Que Bamba Fall soit embastillé et que la liberté provisoire lui soit refusée, qu’Abdoul Mbaye et Barthélémy Dias connaissent des ennuis judiciaires, si tout ceci n’obéit à aucun soubassement politique, nous aurons des raisons de croire encore en notre Justice. Mais, ne rêvons pas. Nous savons que de nombreux dossiers ont été transmis au Parquet venant de l’Ofnac par exemple, personne n’ignore que nombre de rapports des institutions de contrôle atterrissent sur le bureau du président Sall sans suite. En clair, nous aurions alors souhaité voir poursuivre tous les Sénégalais de tous bords et que l’appartenance politique ne soit nullement un gage d’impunité. 

Si Barthélémy n’avait pas été investi par le camp de la majorité et fait député, si Abdoul Mbaye n’a pas vu son dossier ouvert seulement lorsqu’il a commencé à tirer sur le régime, si Khalifa Sall n’était pas en bisbille avec la Direction actuelle du Ps, alors personne ne se mettrait à douter du bienfondé des poursuites. Mais, et le procureur le sait, les coïncidences sont troublantes. Avouons-le. S’agissant maintenant du discrédit porté sur la justice, notre intime conviction reste que les Sénégalais ont le droit de porter un regard critique sur l’institution judiciaire. Les Premiers à la critiquer avec véhémence sont les avocats (Me El Hadji Diouf, Me Mame Adama Guèye, etc.) et des magistrats dont ceux de l’Ums et bien d’autres.  On a assisté à des protocoles, qu’ils soient de Rebeuss ou de Doha, des grâces conditionnées, attentatoires à nos lois, des responsables du parti au pouvoir qui déclarent ouvertement que c’est la Première Dame qui a permis la libération de certains détenus, le Président Sall qui avoue avoir mis le coude sur certains dossiers. Et ça fait trop pagaille, à mon goût.

Le débat sur la réforme du Conseil supérieur de la magistrature, la nécessité de maintenir le lien ombilical entre le Ministère de la Justice et le Parquet, sont des débats qui datent des indépendances.
En 1986, feu le Bâtonnier Boubacar Guèye posait le débat devant le Président Diouf lors de la rentrée des Cours et tribunaux, devant de vaillants magistrats comme De Calvalho, André GuillabertLeyti Kama, etc. Sans aucun doute, les Sénégalais de tous bords ont un respect sacré de la justice et de ses acteurs. Seulement, il y a de la poussière qui grippe souvent la machine de la Justice qui a du mal à assumer son statut de pouvoir pour ne se contenter que de celui d’autorité.  Et si nous voulons tous que cela change, il faudrait accepter que le débat se poursuive.  C’est d’ailleurs cela le Sénégal, il n’y a pas de sujet tabou chez nous.

Assane Samb




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