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​HOMMAGE A PAPE MALICK SY - Un berger vient de tomber sous les arbres... Et mon cœur est en larmes (Par Mamadou Ndiaye)

Rédigé par Dakarposte le Vendredi 26 Juin 2020 à 02:51

Hier, j’ai eu mal au cœur. Mon âme a été touchée de plein fouet à l’annonce du décès de feu Pape Malick SY. J’ai senti le vide. J’ai senti qu’au fond de moi quelque chose d’unique, d’irremplaçable, était en train de se dérober. À jamais. Pour toujours. 
Cet homme, je l’ai connu alors que je venais à peine d’intégrer la corporation. J’étais alors un débutant au mythique groupe de presse Info 7, à côté de plumes légendaires, Pape Samba Kane, Aliou Sall (frère du Président), Yakham Mbaye...Dès qu’il m’a connu, il m’a pris de sympathie. Et chaque fois qu’il me revoyait, après un temps d’absence de son lieu de résidence au cœur du Plateau,  du moins chez son beau père feu Moustapha Sène dit Mbeuss, il me souriait. Ce sourire immaculé et entraînant, qui vous tire, qui vous attire et vous met aussitôt en totale confiance. De sorte que vous trouvez vite, très vite, le courage, l’assurance nécessaire pour discuter, échanger, converser librement autour de tout. De sujets graves. De sujets légers. Il savait avancer dans la conversation à visage découvert. Et s’empressait toujours de faire tomber les barrières hiérarchiques, qu’il pouvait de loin sentir traîner dans vos propos, dans vos paroles. 
Il vous mettait à l’aise. Vous n’étiez jamais, devant lui, un valet ou un voyou, un quidam ou un fakir. Vous étiez avant tout une créature comme les autres. Qui a, en elle, une part de dignité, et que lui, se faisait un point d’honneur de valoriser. Avec son sourire inimitable. Ce sourire en voie de disparition dans les réflexes des " géants" de ce monde d’aujourd’hui. Dans les réflexes des grands porteurs d’opinions, des voix qui comptent, aujourd’hui. 
Je le regardais comme un vrai pair. Oui, Pape était mon père et mon pair. Il aimait descendre à mon niveau (qui était tellement bas) pour me parler comme un alter ego. Comme un égal. 
Mon "père" Pape était d’une très grande élégance. Il était élégant, oui, et il avait aussi de l’allant. Et il avait aussi de l’allure. Il transpirait le goût sans jamais en forcer la présence, dans le tracé de son éloquence légendaire. Tout dans son style s’imposait, mais très naturellement, à l’œil de son vis-à-vis. Le charisme lui collait à la peau. Et elle devait être une de ses plus grandes alliées, celle avec laquelle il est venu du " lointain intérieur" (je dévalise le poète belge Henri Michaux). Cet homme-là était, à n’en pas douter, une pépite humaine, comme on en voit rarement. Vu de l’extérieur, il rayonne sous l’éclat sublime de la vertu. Scruté, il devient une fontaine de lumière qui vous fait finalement détester la nuit des bassesses et des obscénités. Lumière en dehors et en dedans…  

Chaque fois que j’apprenais qu’il était à Dakar, je courais, toutes affaires cessantes, pour aller le retrouver dans cette résidence de son beau-père, avec qui il entretenait une touchante complicité. Son beau-père s’appelait vieux Moustapha SENE dit Mbeuss, grand ami du sympathique Grand Serigne de Dakar d’alors, Elhaj Bassirou Diagne Marème Diop. C’était précisément au 113 avenue Lamine Gueye. La demeure était contiguë au Zawiya Sidy El Hadji Malick, du nom de son vénéré homonyme. Une fois devant lui, je m’empressai toujours de me prosterner, comme il sied qu’on se comporte en bon talibé devant la figure confrérique transcendante. Il m’emmitouflait alors de son grand sourire séraphin, et, ce faisant, s’emparait de ma tête qu’il caressait pendant un moment avec une tendresse toute paternelle. Ces instants font partie de ceux qui ne s’effaceront jamais de ma mémoire. Peut-être même après la mort. La mienne propre. 

A chaque fois que j’allais le voir à ce lieu et dans ces conditions, je prenais le soin d’apporter par devers moi du « adiya ». Il prenait alors cette somme facteur de renouvellement de mon allégeance et me la retournait après l’avoir doublée. Et quand un jour je lui demande pourquoi il agissait de la sorte, il me dit : « NDIAYE, des jeunes comme toi se battent remarquablement pour s’en sortir. Alors, moi, j’ai le devoir de vous soutenir pour que vous puissiez vous en sortir. Car, tu connais l’adage. Aucun homme ne réussit seul tout le monde se fait épauler pour arriver à ses fins ». 

La seule femme qu’il a eue de sa vie s’appelait Mame Mbass SENE. Elle était la fille de Moustapha SENE dit Mbeuss, un chef de famille avec qui n’avait pas de froides relations de beau fils à beau-père, mais de vraies relations fraternelles et amicales, comme nous l’avons évoqué plus haut. Mon père Pape, en venant séjourner chez son beau-père et ami, amenait souvent quelques-uns de ses enfants,  je fais allusion à ses deux  uniques filles. Je me rappelle bien, celles-ci étaient parfaitement à son image, en termes de comportement. Elles étaient particulièrement simples et s’effaçaient complètement derrière la lumière ardente que l’aura identitaire de leur père faisait rejaillir sur leurs frêles personnes. Elles étaient simples et faisaient tout pour ne pas apparaître comme les enfants de " quelqu’un". 
Mon " père" Pape Malick possédait toute l’aisance financière nécessaire pour vivre dans le luxe le plus insolent. Mais il était dépositaire d’une haute éducation de la sobriété, et ne se faisait jamais prier de garder la mesure et d’aller en toute circonstance vers l’essentiel. Dès lors, il devient tout à fait compréhensible alors qu’il se soit permis pendant de longues années de voyager et de faire ses courses à bord de taxis jaunes noirs, dont il prenait le soin de teinter les vitres. Eh oui, ça vous paraîtra surréaliste, mais vous avez bien entendu. Mon père Malick refusait de conduire des voitures luxueuses. Ça ne lui correspondait point. Il voulait toujours passer inaperçu.    
C’est cet homme donc qui est parti. C’est cet homme qui m’a lâché hier sur la grande et obscure route de cette pauvre vie. Précisément au bord de l’abîme. Je me sens seul. Je suis perdu. Je ferme les yeux pour ne pas voir mes larmes humilier ma capacité de résistance. Non, je ne suis pas triste. J’ai seulement peur. Peur de la nuit noire. Peur de me savoir laissé à moi-même, dans une totale incapacité de faire face au vide immense laissé par sa douce main, qui se promenait paternellement sur ma tête.  
Adieu, cher pair. Et que les anges vous couvrent pour l’éternité d’un commun sourire plus ardent que celui par lequel vous m’aviez souvent accueilli. Là, chez Mbeuss, au pied de la Zawiya.  



NDIAYE Mamadou, votre Pair et fils
     njaydakarposte@gmail.com



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