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Diouf, Wade et Macky, ce qui les unit et les sépare!

Rédigé par Dakarposte le Vendredi 2 Décembre 2016 à 08:25

Diouf, Wade et Macky, ce qui les unit et les sépare!
En posant le curseur sur leur âge à leur arrivée au pouvoir, certaines contradictions apparaissent dans les idées reçues, accréditant la thèse selon laquelle la jeunesse serait synonyme d'innovation.

Quelles différences, ressemblances, peut-on pointer entre les Présidents Abdou Diouf, Abdoulaye Wade et Macky Sall ? La tentation de la comparaison est prenante. Mais elle peut être hasardeuse. Beaucoup de facteurs contextuels pourraient biaiser un exercice difficile dont la pratique prendrait du temps pour en parler et de l'espace rédactionnel. Le premier obstacle proviendrait de la mise à l'écart du Président Léopold Sédar Senghor dans cet exercice de comparaison. Il est tout de même père fondateur de la nation sénégalaise, inspirateur des institutions et textes sur lesquels repose notre pays. Tous les chefs d'état qui lui ont succédé à la suite de son départ volontaire non négocié, lui rendent hommage et se réfèrent à lui, pour ses bonnes pratiques républicaines supposées ou réelles.

Et pourtant, la face cachée de la gouvernance du Poète-Président, peut révéler de graves aspérités. On peut en citer l'épisode douloureux des évènements de décembre 1962 et le coup d'état fallacieux, ayant conduit à l'arrestation et l'emprisonnement de Mamadou Dia et ses compagnons, pendant treize longues années à Kédougou.

Comment oublier les tragiques évènements de mai 68, et la mystérieuse mort  d'Oumar Blondin Diop ? Quid  de la marginalisation du savant et historien Sénégalais, Cheikh Anta Diop, réhabilité dans le tard par Abdou Diouf ? Qui plus est, sous des dehors d'homme de culture, cet académicien aura certainement plus contribué au rayonnement des valeurs universelles occidentales et françaises, qu'à la promotion des identités africaines, comme Cheikh Anta Diop, Khrumah, ont tenté de le faire.

Le cas du président-poète, est atypique, puisqu'il a hérité tout de l'administration coloniale dans un contexte de faible niveau de conscience nationale (hormis les partis de gauche qu'il a atomisés). Sans doute aura-t-il permis au Sénégal d'entrer dans la modernité, avec une administration professionnelle, un système éducatif performant mais, à l'inverse, totalement extravertis.

Si le Président Senghor entrerait difficilement dans la comparaison, en revanche, le continuateur de sa ligne politique, Abdou Diouf pourrait bien y figurer. Il a été une sorte de transition entre la fraîche période post-coloniale et l'ère de la démocratie moderne entamée sous Senghor. Premier ministre pendant dix ans, administrateur civil, il a ouvert les vannes démocratiques, en obstruant toutes les possibilités d'alternance jusqu'en 2000, avec la victoire du Sopi et l'avènement de Me Wade. Mais curieusement, les dernières années de Diouf  ont été fortement teintées de wadisme. Les présences perlées de Wade dans le gouvernement socialiste, ont poussé Diouf à des réformes institutionnelles, notamment avec l'intrusion de la déclaration préalable à la place de l'autorisation dans la création de partis de syndicats, la tenue de réunions ou de manifestations publiques. Et sans doute aussi, une certaine dose de libéralisme, dans les réformes du secteur public et parapublic.

Le règne de douze ans de Wade s'est axé sur un libéralisme à outrance et une orientation nette vers les travaux d'infrastructures, l'accumulation de capital, l'enrichissement personnel, le démantèlement de l'administration et la subornation de la justice. Pour avoir participé pendant neuf ans à la gestion du pouvoir, Macky Sall est aussi comptable des résultats bons ou mauvais de son mentor. Arrivé au pouvoir porté par une coalition large mais hétéroclite, le Président Sall (libéral comme Wade) a poursuivi les grandes lignes de son prédécesseur sur les gros investissements structurants, mais coûteux et visibles mais sans grande acceptabilité sociale. Du moins jusqu'à l'irruption du Plan Sénégal émergent, première véritable vision socioéconomique inclusive depuis l'indépendance. Le règne de Wade porte aussi sceau, notamment dans la promotion du social, qu'il ne développera que dans les quatre ans de pouvoir.

Comparer les trois hommes, relève presque de l'irréaliste. La gestion d'un pouvoir s'appuie sur le principe de la continuité de l'état, qui survit aux hommes. En effet, Si Wade a donné corps aux projets de restructuration entamés sous Diouf, le Président Sall a mis en valeur les grands chantiers de Wade en leur donnant plus de cohérence et de lisibilité. Seuls secteurs en retard dans le décollage, l'énergie, la pêche et l'emploi des jeunes, sur lesquels les attentes restent encore très fortes, alors qu'ils constituent des piliers de la croissance.

En posant le curseur sur leur âge à leur arrivée au pouvoir, certaines contradictions apparaissent dans les idées reçues, accréditant la thèse selon laquelle la jeunesse serait synonyme d'innovation. En janvier 1981, Abdou Diouf ; est arrivé au pouvoir à 45 ans. En 2000 Wade, avait 74 ans, et Macky Sall 51 ans en 2012. On ne peut pas dire que la jeunesse de Diouf a constitué pour le Sénégal, un grand atout pour innover profondément. En dehors de l'ouverture démocratique, des états généraux de l'éducation, le Président Abdou Diouf a fortement subi le contexte économique social international difficile : cycles infernaux de sécheresse, plans d'ajustement structurel, dévaluation du franc CFA, forte contestation politique, syndicale, montée de l'afro-pessimisme, chute des prix des matières premières et montée en flèche du pétrole et des monnaies de référence. A cela, il faut ajouter la crise casamançaise, l'atomisation du secteur bancaire, les crises scolaires, les délestages. Autant de frein au développement économique qui ont contraint Diouf à à une sorte d'inhibition de l'action et à la gouvernance par procuration (entre Collin et Tanor).  Cependant, les secteurs des télécoms et de l'eau ont survécu à la crise grâce à une lucidité politique et économique, aujourd'hui menacée.

Sur le terrain éthique et républicain, Diouf est quasi-irréprochable, pour éloigner sa famille de sa gestion et limité la propension à l'enrichissement de ses compagnons. Autant de reproches faits à Wade et Macky Sall dans des proportions certes inégales. En effet, Wade a tenté tout simplement de céder le pouvoir à son fils comme dans une monarchie.

Et pourtant bien qu'ayant accédé au pouvoir à un âge avancé (presque 75 ans, à l'âge que Senghor l'a quitté) Wade a été élu majoritairement par les jeunes. Et ses choix en leur direction ne sont pas si mauvais. A preuve, la généralisation de la bourse aux étudiants, la promotion de l'éducation et la formation que l'actuel président poursuit avec un bonheur, en dépit d'un climat social difficile. La jeunesse de Wade c'est aussi, son langage sans fioriture, son ouverture d'esprit et son accessibilité. Autant de facteurs qui manqueraient aux deux autres présidents, plus réservés et moins accessibles. L'obsession de la modernité, de la créativité et jusqu'au gigantisme et la démesure sont des données constantes chez Wade. En cela, il s'oppose à, l'approche prudentielle de Macky Sall et à l'attentisme de Diouf.

C'est sur le terrain de l'exercice démocratique que les différences sont nettes. Diouf a déjà un formidable déclic en 1981, mais verrouillé le système pendant vingt ans empêchant toute forme d'alternance. Wade a beaucoup développé le dialogue avec ses adversaires, mais a failli créer l'innommable en tripatouillant la constitution 23 fois. Il s'est acharné contre ses adversaires socialistes de manière injuste et inqualifiable en en emprisonnant, certains dont des hommes de valeur comme Abdoul Aziz Tall, ancien DG de la LONASE et Ibrahima Gaye ancien DG du Soleil.

Pour avoir réactivé la CREI, le président Sall a failli faire les mêmes erreurs, avant d'arrêter cette propension à l'arrestation et à la justice des vainqueurs. Cependant, face à une opposition très combative,  le dialogue politique présent sous Diouf et Wade marque le pas sous Macky Sall. Mais les contentieux électoraux semblent désormais éloignés de notre culture démocratique, tant les scrutins sont devenus très transparents avec des résultats non contestés. Leur seul point commun serait leur attachement presque égal aux forces religieuses, avec des fortunes diverses. Abdou Diouf, de confession tidiane, avait la bénédiction de Serigne Abdou Lahat Mbacké, un peu moins à Tivaouane et dans les autres foyers religieux. Moyennement soutenu par la communauté chrétienne, plus rationnelle dans ses choix électoraux,  en dépit de ses excellentes relations avec feu Mgr Hyacinthe Thiandoum ex Archevêque de Dakar. C'est lui qui, a fait venir le Pape Jean Paul II à Dakar. Il a visité en 1992 le Saint-Siège. Wade avait la totale bénédiction de Serigne Saliou Mbacké et moult fois provoqué la communauté chrétienne et les autres foyers religieux. Il perdra le pouvoir en dépit de l'appui de la communauté mouride.

Macky Sall (converti au mouridisme), soutenu par Tivaouane, bien reçu dans la communauté chrétienne, a perdu toutes ses élections dans la ville de Touba. Et avec son programme de restauration des sites religieux, et l'autoroute Ila Touba, il aura fait plus que les autres dans ce domaine sensible.

On aurait pu poursuivre à l'envi cette comparaison, qui comme le dit l'adage n'est pas raison. Il faut cependant comprendre, qu'au-delà des contextes locaux  et de la géopolitique internationale qui n'apparaissent qu'en sourdine, d'autres facteurs personnels liés à l'ADN des présidents et à leur entourage immédiat, peuvent aussi se révéler comme des déterminismes invisibles. Macky Sall n'a que quatre ans de pouvoir, alors que les deux autres en ont trois, voire quatre ou cinq fois plus. Il faut lui donner le temps de dérouler toute la panoplie de ses qualités et l'étendue de ses défauts pour pouvoir éventuellement le comparer aux deux autres.
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