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Laser du lundi : Avec Macky Sall, gare aux adversités valablement concurrentes ! (Par Babacar Justin Ndiaye)

Rédigé par Dakarposte le Lundi 3 Septembre 2018 à 01:49

La révocation du Maire Khalifa Sall est – en dépit de l’enveloppante pellicule juridique – le couronnement d’une mise à mort politique. Plus amplement, la descente aux enfers de l’ex-premier magistrat de la ville de Dakar, constitue le paroxysme d’une logique d’éradication des adversités politiquement significatives et électoralement grosses de mauvaises surprises pour le Président sortant et visiblement peu désireux de quitter le Palais présidentiel, en 2019. Très clairement, le Président Sall adopte et adapte la lugubre formule de Paul Austin : « En politique, si on n’est pas prêt à tout, on n’est prêt à rien ».    


Du coup, le chemin conduisant au scrutin présidentiel de février 2019 se transforme inexorablement en « chemin des ordalies », pour emprunter le titre du livre d’un célèbre opposant et non moins célèbre pensionnaire des prisons du Roi Hassan II. A cet effet, une stratégie est élaborée, rodée et huilée. Les bastions solides (Grand-Yoff et Dakar) ou les citadelles résistantes (Thiès et Ziguinchor) sont systématiquement harcelées voire assiégées, dans l’espoir d’y faire des brèches ou d’y trouver des failles. Autrement dit, là où la machine électorale de Benno Bokk Yakaar patine ou piétine, Macky Sall envoie la fusée judiciaire pour pulvériser l’obstacle personnifié par un opposant emblématique ou un candidat d’envergure. Dans la foulée, l’Administration censée être politiquement incolore achève le boulot par un décret de révocation qui balise la voie à la Délégation spéciale et, naturellement, à l’hégémonie politique de l’APR. Ce modus operandi ayant fonctionné redoutablement bien contre Khalifa Sall, reste le plan standard d’anéantissement de tout concurrent présumé coriace sur la route de plus en plus surveillée et verrouillée de l’échéance 2019.   


Dans cette optique, le parrainage restreint a cédé la place – par la volonté de la majorité et par la procédure d’urgence – au parrainage intégral. Une trouvaille, à la fois, fascinante et fatale. Tellement le parrainage est avenant, ambivalent et embourbant. Présentée comme le parfait sérum anti- pagaille, la Loi du 19 avril 2018, parraine laborieusement mais périclite aisément. En effet, le parrainage est, à la fois, un filtre qui tamise ; et une falaise qui bloque. Un pont qui canalise le flux débordant des candidatures ; et un mont auquel on accède (pour la validation) par un flanc de montagne abrupt, escarpé, interminable et rocailleux. Autant de récifs que le projet de loi, voté par l’Assemblée nationale, plante sur la route des candidats à la candidature.  


Entre l’ordre de numérotation, les noms et les prénoms, le numéro de la carte d’électeur et celui – lesté de 17 caractères – de la carte d’identité CEDEAO, les mentions propres (jamais floues) des circonscriptions électorales et une multitude de signatures (forcément conformes) apposées par des collecteurs et autres délégués ou coordinateurs régionaux ouf…les potentiels adversaires de Macky Sall, présentement en quête de parrains, évoluent dans un ravin tapissé de pierres tranchantes et bourrées de lianes enchevêtrées. Bref, les risques d’erreurs éliminatoires sont légion. D’autant que les contours du parrainage sont encore mal cernés par les parrains eux-mêmes. Donc les citoyens. Comme en atteste la quintessence d’un micro-trottoir réalisé à Ziguinchor et diffusé par Sud Fm, le lundi 27 août, à midi.  Le citoyen interviewé et futur parrain déclare sur les ondes : « Un homme politique a récupéré ma pièce d’identité en me disant qu’il procède ainsi au parrainage ». Cette démarche sommaire est évidemment la résultante de la mise en œuvre d’une loi magnifiée par la majorité des députés et méconnue de la majorité des citoyens qui sont pourtant les mandants des parlementaires et également les parrains des candidats Paradoxe pharaonique !  


Il s’y ajoute qu’un porteur d’excellent programme pour le Sénégal peut recueillir moins de cinquante mille signatures, faute d’argent et de logistique. A contrario, un candidat indigent en idées lumineuses pour le pays, mais doté d’un budget conséquent, va franchir allègrement la barre des soixante-dix mille parrains non exigés.  Comme quoi, un bon projet de société peut être orphelin de parrains. A l’image de la capitale, Dakar, orpheline de son Maire révoqué. Sans oublier des cas de figure très en rapport avec nos mœurs politiques. Scénarii ultérieurs et plausibles sur lesquels la Loi sur le Parrainage n’anticipe aucunement. Existe-t-il, par exemple, une parade à l’attitude déroutante et paralysante d’un délégué ou d’un coordinateur qui – au zénith ou au crépuscule de la collecte des signatures – prend soudainement le train de la transhumance ? Pourra-t-on le remplacer au pied levé, avec le même rendement escompté ? En théorie, le champ des difficultés est commun à tous. En pratique, c’est plus compliqué quand on sait que l’ultime décision qui scelle le sort du candidat à la candidature, reste légalement l’apanage du Conseil Constitutionnel, c’est-à-dire une juridiction vue, à tort ou à raison, comme un appendice de l’Etat. Le préjugé est tenace.  


Ne fallait-il pas, d’abord, aller à l’école du parrainage, jusqu’en 2024, avant le test probatoire et salvateur pour le Sénégal ? Les soucis de pédagogie et de douceur, le Président Macky Sall n’en a cure. Tout comme la majorité regroupée dans BBY se gausse des alertes et des critiques constructives. La Grand’messe préélectorale de Diamniadio et les pas de danse à la tribune, en sont les nettes illustrations. Une ambiance exaltée très brejnévienne au CICAD et une menace fortement andropovienne dans le discours qui suggèrent que dans la tête de Macky Sall, l’affaire (la présidentielle de 2019) est dans le sac. Quelques heures après l’aplomb et la joie de Diamniadio, le décret présidentiel a décapité la Mairie de Dakar. Dans un futur proche, le Conseil Constitutionnel vérifiera la régularité et la crédibilité des parrainages puis décapitera des candidatures. Ainsi l’implacable logique d’éradication de l’adversité politique placera Macky Sall sur un boulevard goudronné pour 2019 ; tandis que ses rares autres challengers (des miraculés et des rescapés de l’imparable sabre des 7 Sages) évolueront sur des pistes empierrées.   


PS : la révocation du Maire Khalifa Sall a allumé des polémiques et charrié des arguments alarmants pour les Sénégalais avides d’avancées et d’acquis en matière de démocratie et, surtout, attachés à la permanence et à pérennité de l’orthodoxie administrative historiquement bien acclimatée au Sénégal.  


Pour conforter le décret largement controversé et débattu, le Ministre d’Etat Mbaye Ndiaye a rappelé son limogeage en plein Conseil municipal et son renvoi de l’Assemblée nationale. Effectivement, Mbaye Ndiaye et Moustapha Cissé Lo, députés élus au suffrage universel, ont été, de façon expéditive, dégagés du Parlement, privés de salaires et de véhicules sous l’ère Wade. Avec l’approbation bruyante et triste de leurs collègues libéraux soumis aux desiderata du Président Abdoulaye Wade. Motifs : contacts nocturnes avec l’ennemi d’alors, Macky Sall. Deux députés libéraux chassés par des collègues et frères de Parti, pour des motifs juridiquement tirés par les cheveux. Voilà une monstruosité d’hier, que Mbaye Ndiaye convoque pour justifier une monstruosité d’aujourd’hui. Se référer à l’anti-référence est la meilleure manière d’asseoir une gouvernance non exemplaire. Le Sénégal est-il subitement atteint de troubles administratifs et de schizophrénie juridique ?     



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