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CRISE UNIVERSITAIRE ET MORT DE BASSIROU FAYE Etudiants, Enseignants et Etat : tous responsables!

Rédigé par Dakarposte le Samedi 1 Août 2015 à 00:56

CRISE UNIVERSITAIRE ET MORT DE BASSIROU FAYE Etudiants, Enseignants et Etat : tous responsables!
Jamais depuis 2001, année de la mort tragique de l’étudiant Balla Gaye, le Sénégal n’avait connu une telle flambée de violence au sein du campus universitaire de l’Université Cheikh Anta Diop (Ucad) que cette année. Les antagonismes haineux entre forces de l’ordre et étudiants se sont si exacerbés au cours de ces deux dernières années que les affrontements entre les deux parties dégénèrent rapidement en rixes sanglantes ponctuées souvent par mort d’homme. 
 
 
L’université a cessé d’être ce creuset intellectuel où des étudiants de tous bords viennent pour se former, consolider un savoir, se fabriquer et s’assurer un avenir pour se transformer en une arène de gladiateurs où le développement des muscles et la promotion de la violence ont fini par chasser la réflexion intellectuelle et la recherche scientifique. La violence aveugle qui y est exercée dépeint négativement sur les missions assignées à cette institution à savoir la diffusion de la connaissance, des valeurs éthiques et morales ainsi que la formation solide des ressources humaines indispensables au développement de notre pays. Nos campus académiques sont devenus de véritables poudrières où les clivages politiques, le sectarisme religieux et la dérive criminelle créent une situation explosive.
 
MORT DE BASSIROU FAYE : UNE RESULTANTE DE LA VIOLENCE DE CES DEUX DERNIERES ANNEES
 
Jeudi 14 août 2014, l’espace d’un après-midi, la cité universitaire de l’Ucad s’est transformée en un théâtre de combats violents, d’affrontements musclés entre étudiants et forces de sécurité. Bilan tragique de ce jeudi noir : une véritable mare de sang dans laquelle Bassirou Faye, étudiant en Faculté des Sciences, a perdu cruellement la vie, où il y a eu plusieurs blessés dont certains estropiés et vingt-sept étudiants interpellés et libéréscinq jours plus tard.
L’imposition des réformes prônées laConcertation nationale sur l’avenir de l’enseignement supérieur au Sénégal (Cnaes) a électrisé nos universités rétives à toute mutation à incidence financière. Et même si ces réformes vont dans le sens d’améliorer la qualité de l’enseignement supérieur et de rationaliser ses effectifs pléthoriques, elles peinent à emporter l’adhésion des premiers concernés que sont les enseignants et les étudiants parce qu’introduites au forceps. C’est pourquoi ces réformes ont été le détonateur principal de tous les troubles récurrents constatés en 2013-2014 dans nos universités.  
Les premières salves de la grève estudiantine avaient comme prétexte les frais d’inscription onéreux que leurs maigres bourses ou les faibles ressources de leurs parents ne peuvent pas supporter. Après le rejet de l’augmentation des frais d’inscription, les étudiants ont exigé le « master pour tous » comme mesure d’accompagnementà la réforme du système LMD (Licence, Master, Doctorat). Toutes ces revendications sont émaillées par des confrontations sanglantes avec les forces de l’ordre, des kidnappings de bus, des saccages des locaux du Centre des œuvres universitaires de Dakar (Coud).
Si on jette un regard rétrospectif sur ces deux dernières années académiques, l’on se rend compte que le drame qui est arrivé le jeudi 14 août 2014ne doit surprendre, ni émouvoir personne. La mort regrettable, voire condamnable, de Bassirou Faye n’est que l’aboutissement d’une orgie de violence forcenée et aveugle qui a secoué nos universités surtout l’Ucad depuis presque deux ans. 
Pour exiger la baisse des frais d’inscription (qui s’établissent respectivement pour les étudiants en Licence 1, 2 et 3 à 25 000 F Cfa,  à 30 000F Cfa et 35 000F Cfa ; les étudiants en Master 1, à 50 000 F Cfa  et 60 000 F Cfa pour les Master 2 ;  et 75 000F Cfa francs pour les doctorants), des étudiants-gangstersarmés de matraques, d’armes blanches, de bombes asphyxiantes ont saccagé, le jeudi 21 novembre 2013, les locaux du Rectorat de l’institution. Des enseignes et des guichets ont été endommagés à la Faculté des sciences juridiques et politiques. A cela s’ajoute le bris des vitres de véhicules stationnés devant les locaux du Rectorat. L’assemblée de l’université ad hoc avait dénoncé ces actes de violence comme « une atteinte intolérable, une violation flagrante des franchises universitaires et des libertés académiques, et une menace grave pour la sécurité des enseignants, du personnel administratif et technique, des étudiants et des biens ». Aujourd’hui les étudiants chefs de gang Edouard Faye, Babacar Diouf et Ousseynou Cissé qui bénéficient d’une liberté « provisoire » plastronnent avec morgueau sein du campus. 
Le 21 mai 2014, des étudiants mécontents du retard de paiement de leurs bourses ont caillassé les locaux du Coud détruisant matériels informatiques et documentations administratives. Les pertes avaient été évaluées à plusieurs dizaines de millions. 
Cette escalade de la violence s’est poursuivie le 14 juillet suivant. Des étudiants supposés appartenir au collectif  « Master pour tous » ont nuitamment déversé des dizaines de litres d’huile de vidange dans les travées des amphithéâtres dans le seul dessein d’empêcher à ceux et celles qui ont encore la chance de prétendre à un master d’y accéder. En dépit de la plainte déposée par le Doyen de la Faculté des Lettres, aucun des vandales, pourtant bien identifiés, n’a été arrêté à ce jour. 
Horresco referens, le 23 juillet dernier, cette spirale de violence intra-étudiante a atteint son point d’orgue avec le meurtre de l’étudiant en 4e année à l’Inseps(Institut national supérieur de l’éducation populaire et du sport) Massaer Boye tué au cours d’une rixe estudiantine à l’heure de la coupure du jeûne. A ce jour, le meurtrier, bien que logeant au campus universitaire, court toujours. A part quelques condamnations de principe et quelques indignations de tartuffes, cet homicide a été lâchement et iniquement mis sous le boisseau. Et pourtant, la mort de  Boye aurait pu servir d’alerte et interpeller les autorités, les étudiants eux-mêmes, les professeurs et les parents d’étudiants, les organisations des droits humains et la société civileet les pousser à une réflexion profonde sur la violence universitaire qui avait atteint son sommet avec le décès tragique de Massaer. Malheureusement,ce meurtre n’avait pas ému grand monde. On n’en parle plus et le meurtrier court toujours. Même ses camarades étudiants ont enseveli ce meurtre dans le cimetière de leurs silences complices. Après que Massaer est enterré presque dans l’indifférence méprisante de ses camarades et professeurs, Bassirou, accompagné par des étudiants affligés qui pleuraient bruyamment et tombaient à genoux, est inhumé en grande pompe. Ses obsèques grandioses ne sont en rien comparables à celles de l’étudiant de l’Inseps. On exige des éclaircissements surle meurtrier de l’étudiant en mathématiques, mais pour le cas de Massaer, c’est le silence total.    
Et où était le Secrétaire  général  du Syndicat autonome des enseignants du Supérieur (Saes), Seydi Ababacar Ndiaye, qui verse aujourd’hui, après la mort de Bassirou Faye, dans la surenchère du radicalisme pour faire du départ de Mary Teuw Niane une condition sine qua non de la reprise des cours à l’Université ?Où était Yankhoba Seydi, coordonnateur du Saes de l’Ucad, et par ailleurs, homme-lige d’Idrissa Seck, qui qualifiait naguère l’Ucad de « zone criminogène et non éducogène » après le saccage du rectorat au point de demander l’institution d’une police universitaire ? Aujourd’hui, leur seule solution pour résoudre un problème d’ordre systémique est de limoger le ministre Mary Teuw Niane et son collègue de l’Intérieur, Abdoulaye Daouda Diallo. Curieuse façon pour des universitaires de résoudre par un coup de sang un problème crucial qui mérite une profonde réflexion.
Où étaient aussi les hâbleurs Seydi Gassama d’Amnesty international, Ababacar Mbodj de la Raddho, Birahim Seck du Forum civil, Alioune Tine du Comité sénégalais des Droits de l’Homme, Assane Dioma Ndiaye de la Ligue sénégalaise des droits de l’Homme quand les étudiants commettaient cette kyrielle de violencesdont la  plus illustre  victime est Massaer Boye? 
Où étaient les deus ex machina Idrissa Seck et Abdoulaye Wade qui, tels des goules, ont voulu cannibaliser le cadavre frais de Bassirou Faye pour en tirer immoralement un profit politique ? Tous les réquisitoires condamnatoires posthumes émanant de ces pontifes moralisants et pharisaïques des droits humains ne sont que cautère sur une jambe de bois. La situation universitaire exige plus de lucidité et de sérénité que des déclarations spontanées ou des récupérations politiciennes qui  en font un fonds de commerce.
Où était l’Etat, qui est le premier garant de la sécurité des personnes et biens publics mais qui semble avoir perdu le contrôle de l’Université ?
 
LE MANQUE DE SINCÉRITÉ DES ACTEURS
Dans cette spirale de violence mortifère au sein de nos universités, les professeurs syndicalo-politiciens du Saes, les étudiants, la société civile, les parents d’étudiants et le gouvernement se partagent à des degrés divers les responsabilités. Personne ne joue franc jeu. Le ministre se noie dans son impéritie, atermoie et louvoie dans le payement des bourses, les étudiants, faute de pouvoir se servir de leur matière grise pour faire face aux défis pédagogiques et défendre les valeurs académiques de l’Université, désertent les amphis, s’organisent en bandes de voyous et utilisent la violence comme seul expédient de se faire entendre.
Au Sénégal, les étudiants-gangsters ne sont jamais sanctionnés pour les actes de vandalisme ou les crimes qu’ils commettent. On les protège avec la complaisance, la complicité ou la duplicité de certains professeurs universitaires, du pouvoir exécutif ou judiciaire. Ainsi la mort horrible de Bassirou Faye, qui ne pèse pas plus lourd que celle de Massaer Boye, n’est que le point d’orgue de la violence mortifère que sécrète l’université et que décrètent Etat, étudiants et professeurs. 
Les meurtresatrocesdesétudiantsMassaer Boye et Bassirou Faye, en moins de deux mois à l’université Cheikh Anta Diop,ont montré à l’opinion publique ainsi qu’à toutes les composantes des champs politique et civil,que les véritables responsables de la germination de cette violence terroriste dans les campus universitaires ne sont point les policiers, simples exécutants, mais le triumvirat Etat-Enseignants-Etudiants.Par conséquent, ce qui se passe à l’Ucad relève sociologiquement d’un phénomène de violence chronique dont la responsabilité est partagée même si c’est à des degrés divers. 
Cela dit, il appert que les forces de l’ordre ne sont pas exemptes de reproches dans cette flambée de violence qui embrase en permanence l’Ucad. Quand bien même les policiers seraient tenus de maintenir l’ordre public lors des manifestations, ils ne doivent pas pour a utant recourir à une force répressive excessive, c’est à dire disproportionnée et qui va uniquement dans le sens de blesser ou de détruire. 
 
TENTATIVE DE MANIPULATION POLITICIENNE
Aujourd’hui qu’on en est encore à l’expertise balistique, voilà que des étudiants à la parole confuse et douteuse manipulés par les prises de positions de professeurs irresponsables du Saes et de pseudo-droit-de-l’hommiste et relayés par certains médias de la haine tentent hâtivement de faire porter le chapeau du meurtre à la police. Même la famille de  l’étudiant tué n’a pas échappé à ces manipulations puisqu’on a entendu le frère de la victime remettre en cause l’expertise balistique pour soutenir, à l’instar de certaines organisations des droits de l’homme ou syndicales, que le meurtrier de Bassirou ne peut être trouvé que dans les rangs de la police. On s’empresse de pointer du doigt un policier comme étant le responsable de l’assassinat de Bassirou Faye. Des étudiants, sous l’influence d’on ne sait quel tropisme ou quelle main obscure,fournissent de prétendues preuves testimoniales sur l’assassin de Bassirou Faye. Cette attitude désinvolte dictée par les émotions mal maîtrisées, les haines et les colères aveugles ou des manœuvres et manigances politiciennes nous replonge dans les conditions du décès tragique de Balla Gaye. A l’époque, le président Abdoulaye Wade, qui ne voulait pas subir les assauts répétés du mouvement estudiantin, avait déplacé Madior Diouf, l’alors ministre de l’Enseignement supérieur, à la Culture tout en inculpant consciemment le policierinnocent Thiendella Ndiaye de l’assassinat de Balla Gaye. Ce alors qu’il était clairement établi que des étudiants libéraux,stipendiés par des pontes du pouvoir libéral d’alors,étaient les principaux sicaires de Balla Gaye. D’ailleurs, pour les récompenser de leur acte sordide, l’Etat les avait exfiltrés en leur octroyant des bourses à l’étranger. Jusqu’à ce jour, les vrais meurtriers de Balla Gaye se la coulent douce à Marianne sans être inquiétés. Un tel scénario est encore très possible si l’on sait que les forces tapies dans l’ombre de l’alors pouvoir qui avaient organisé l’assassinat de Balla Gaye le 31 janvier 2001 dans le même endroit avec les mêmes expédients sont encore là. Un tel scénario est possible si les stratèges qui avaient pensé et organisé l’assassinat de Babacar Sèye en mai 1993 sont encore là. Un tel scénario est possible si les commanditaires des actions subversives qui ont émaillé la période pré-électorale de la présidentielle de 2012 sont encore là. 
 
Aujourd’hui encore, nonobstant le calme apparent après la mort de Bassirou Faye, la tension est toujours latente.On note encore quelques accrochagessporadiques entre étudiants et policiers. C’est en cela que le discours du chef de l’Etat au salon d’honneur de l’aéroport de Dakar, même subjectivement accusatoire,est important puisqu’il apaise les tensions et rassérène les colères noires et les haines aveugles. Cette même sérénité, le président doit la garder et aménager des plages de dialogue et de concertation francs avec les tous acteurs sans exclusive. Ce qui ne l’empêche pas d’apprécier, à juste titre, le degré de responsabilité du ministre del’Enseignement supérieur dans cette situation chaotique et de prendre les décisions conséquentes si cela s’avère nécessaire.
LE TEMOIN
Article paru dans « Le Témoin N° 1176 » –Hebdomadaire Sénégalais ( SEPTEMBRE 2014)
 



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