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ENTRETIEN EXCLUSIF AVEC LE DOCTEUR CHEIKH KANTÉ- « Un déficit budgétaire planifié maîtrisé peut créer une relance économique » « Le Président Macky Sall est le meilleur des Présidents », dixit Bruno Lemaire

Rédigé par Dakarposte le Mercredi 10 Juillet 2019 à 17:20

Le déficit budgétaire et l’endettement du Sénégal sont décriés par bon nombre de nos compatriotes. Dr Cheikh Kanté relativise et tente de rassurer. Après son séjour à Aix en Provence dans le cadre des rencontres appelées « cercle des économistes » qui regroupent des sommités, il s’est entretenu avec le DG de direct info sur l’actualité notamment économique. Sa conviction est que l’endettement peut booster notre économie. Entretien…


Pape Diogoye Faye : Aix a battu un record d’affluence cette année encore avec des sommités, raconte-nous un peu l’ambiance que vous avez vécue.

Dr Cheikh Kanté : Oui Pape Diogoye. Depuis presque une dizaine d’années, je pars à Aix en Provence pour la rencontre annuelle du Cercle des économistes qui est devenue pour moi un moment fort d’introspection où les grands esprits se rencontrent, se fertilisent en discutant sur des questions qui touchent le monde. C’est avec un intérêt particulier que j’y participe. Aussi, je ne suis pas tellement dépaysé dans cette partie du monde que le professeur Roux m’a fait découvrir avec mon épouse. Depuis, j’ai pris goût à me promener le matin après ma prière pour renifler les odeurs d’herbes fraîches transportées par un vent frais qui me rappelle les alizés de Fatick au bord du Mindiss. J’aime écouter les oiseaux chanter, contempler la beauté de la nature qui s’éclaircit petit à petit avec les rayons multicolores du soleil d’Aix qui se lève et qui perce l’épais brouillard gris qui recouvre les cimes des arbres et les sommets des montagnes. Toute cette chorégraphie bien organisée et animée par le concert des cigales, me fait penser à Dieu, me donne de l’espérance et la joie de vivre.
Cette année, le thème central portait sur « La confiance », je devais au départ participer à répondre à la question de savoir « si les croyances collectives ont elles disparu ? » Finalement, les professeurs Lorenzi et De Boissieu avaient jugé plus utile de me faire migrer vers la session où je devais répondre à la question : faut-il s’endetter pour s’enrichir ?

PdF : Et qu’avez-vous répondu ?

Dr CK : j’ai répondu positivement oui ! Puisqu’ en matière d’endettement ou de financement extérieur, la perception dépend des écoles de pensée : certains économistes considèrent que tout emprunt public ne peut être que nuisible pour les agents économiques, puisqu’ ils l’assimilent à un report d’impôts sur les générations futures et par conséquent imputent à l’Etat une connotation négative. Cette hypothèse que je relativise est le postulat des économistes classiques Ricardo, Barro, Smith, Hayec et Krugman entres autres qui l’assimilent à un effet d’éviction. 




Contrairement aux classiques, Keynes, Harrod et Domar considèrent que l’endettement n’entraine pas de coût ni pour les générations actuelles encore moins pour les générations futures du fait de nouveaux investissements qu’ils génèrent. Leur postulat de base repose sur le fait que l’équilibre budgétaire ne doit pas toujours être respecté et qu’un déficit budgétaire justifié et maîtrisé peut créer les conditions d’une relance économique à travers la création d’emplois, la consommation globale avec les infrastructures, la demande qui favorise l’effet multiplicateur qui crée les conditions d’une croissance inclusive et durable.

J’appartiens à l’école de pensée de Domar et d’Harold. Je considère qu’il n’y a pas de croissance si un pays n’investit pas et par conséquent le taux de croissance de la production est une fonction croissante du capital. Les bons résultats obtenus par le président Macky Sall dans le cadre la mise en œuvre du premier plan d’action prioritaire du PSE s’expliquent par les investissements réalisés à travers les projets et réformes phares.

En répondant oui, j’ai rappelé que l’endettement était une pratique aussi vielle que le monde. Elle a toujours accompagné les individus, les ménages et les Etats. De Boisseau rappelle toujours que l’Angleterre s’est endettée pendant trois siècles, avant la révolution industrielle, pendant, après et présentement. Même pour battre Napoléon, l’Angleterre s’était endettée.
C’était la règle en son temps. Les rois s’endettaient avec la complicité des banquiers génois pour faire la guerre. La prime à payer dépendait de l’importance du butin à gagner en engageant cette guerre. Au demeurant, il faut toujours garder la leçon de morale qu’on nous apprenait très jeune à l’école pour cultiver un comportement vertueux : qui paie ses dettes s’enrichit. L’endettement doit toujours être encadré et mesuré. Elle doit servir à des causes utiles pour créer les conditions d’un effet de levier. Evidemment, j’ai orienté mon approche vers l’Afrique. 

Comme tu le sais, je suis Afro- optimiste, nous ne sommes plus en 1960, quand René Dumont disait que l’Afrique noire était mal partie. Avec la nouvelle génération de leader comme le président Macky Sall, l’Afrique est bien partie. Le président Macky avec le PSE à tracé une nouvelle voie Africaine d’une croissance inclusive et multidimensionnelle avec des résultats très encourageants. Cependant, malgré les bons résultats obtenus durant les deux dernières décennies, l’Afrique subsaharienne doit résoudre l’équation que pose le financement du développement et la maîtrise de la dette. Pour atteindre les objectifs fixés dans le cadre des 17 ODD, il faudra un financement additionnel évalué à 20% du PIB d’ici 2030.

L’aide publique au développement stagne et régresse. Elle est souvent orientée vers les questions sécuritaires. Pendant ce temps, d’autres options de financement s’offrent à nos pays. Le nombre de pays surendettés ou en voie de l’être augmente, il est passé de 6 environ en 2014 à 16 en 2018. Catherine Lubochinsky du cercle des économistes a rappelé l’endettement non conventionnel de certains pays comme le Mozambique et Djibouti et ses conséquences regrettables en matière de souveraineté et d’équilibre budgétaire. Odile Renaud, la directrice du trésor Français durant nos débats, a rappelé la reconstitution de la dette de certains pays Africains, malgré le programme PPTE. A mon avis, la résolution de ce dilemme passera par une nouvelle orientation politique basée sur de nouveaux modèles de croissance inclusives et de gouvernance vertueuse encadrée par le multilatéralisme. 


Madame Christine Lagarde que je félicite en passant pour sa nomination comme Gouverneur de La Banque Centrale Européenne, avait donné le ton en insistant dans une de ses interventions sur les dangers des inégalités croissantes. Elle disait avec force que nous avons besoin d’un système financier qui soit plus éthique et davantage tourné vers les besoins de l’économie réelle. Un système financier qui serve la société et non l’inverse.


Pd F : Vous avez parlé dans votre intervention de la nouvelle monnaie Eco qui doit circuler d’ici 2020. Dites-nous quelle est votre position ?

Dr CK : A dire vrai, je ne suis pas pour cette monnaie. C’est une décision à murir pour plusieurs raisons : la monnaie est une question perplexe qui nécessite des calculs économétriques.

Je te donne un exemple, dans la zone UEMOA, nous avons un taux d’inflation inférieur à 3%, dans d’autres pays, ce taux dépasse 16 %. Pensez-vous nos populations soient préparées à supporter les conséquences d’un tel niveau d’inflation ?

Dans notre zone, les critères de convergence que nous avons en matière de dette, d’inflation et de déficit, nous permettent de maintenir un bon équilibre de nos agrégats macroéconomiques. Cependant, je suis d’avis que le F CFA doit être revu dans plusieurs aspects et je m’étais prononcé sur ce sujet dans mon livre la Camisole.

PdF : Le pétrole et le gaz font trop de bruits actuellement au Sénégal qu’en pensez-vous ?

Dr CK : Je pense que tout ce bruit ne se justifie plus. Dès lors que le procureur est en train d’instruire cette question, il n’est plus nécessaire de faire autant de tapage dans les médias. Il s’agit simplement d’aller chez le procureur et de brandir les preuves détenues par devers soi pour aider à éclairer les Sénégalais. Les fakes news sont monnaies courantes dans les combats politiques pour désétatiser un adversaire. La règle est d’utiliser 5% de vérité avec 95% de mensonge. Au Sénégal cela ne passera pas. Le Président Macky Sall a toute la confiance des Sénégalais qui l’ont plébiscité à plus de 58, 26 % des suffrages. Son image de marque à l’étranger est plus que renforcée. Bruno Le Maire, le dynamique ministre de l’économie de la
France me disait l’autre jour au diner que le président Macky est le meilleur des présidents et je trouve qu’il a parfaitement raison.

Propos recueillis Par Pape Diogoye Faye – Direct Info 10 juillet 2019



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