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Elections locales : L'interview-vérité de Cheikh Ba

Rédigé par Dakarposte le Mardi 1 Février 2022 à 01:11

Cheikh Ahmet Tidiane Bâ, candidat de Benno book yaakaar (Bby) à la commune de la Médina aux Locales du 23 janvier dernier, digère sa défaite devant le maire sortant, Bamba Fall. Dans cet entretien, «Messi», comme on le surnomme sur le terrain politique, diagnostique avec lucidité ses résultats, crache ses vérités et liste les causes de l’échec de Benno à la Médina.


Vous avez été candidat de la coalition Benno bokk yakaar (Bby) à la Médina aux élections locales du 23 janvier 2022. Mais finalement vous avez perdu les élections face au maire sortant, Bamba Fall. Est-ce que vous n’avez pas été surpris par cette défaite ?

Je voudrais d’abord vous dire, comme je l’ai posté d’ailleurs sur ma page Facebook, que, sans prétention aucune de me comparer à lui, je fais mienne cette phrase de Nelson Mandela «Je ne perds jamais. Je gagne ou j’apprends». Oui, j’ai beaucoup appris durant ces élections locales du 23 janvier dernier. C’était ma première participation à un combat démocratique. La coalition Benno bokk yakaar-Médina que je dirigeais a perdu par les urnes mais, personnellement, je pense avoir suffisamment appris pour envisager des succès démocratiques futurs. 

Qu’est-ce que vous avez appris concrètement, comme vous le dites, lors de ces élections locales ?
Je le rabâche, le compagnonnage avec les alliés m’a fait tirer beaucoup de leçons, beaucoup d’enseignements de ce scrutin. Vous savez, la campagne électorale est un moment fort où on est en contact avec beaucoup de personnes. On est pratiquement ensemble 24 heures sur 24. Vous apprenez beaucoup de choses. De bonnes comme de moins bonnes. Souvent des pièges qu’on vous tend par-ci par-là et qu’il faut savoir contourner. 

Qui vous a tendu ces pièges ? des membres de l’Alliance pour la république (Apr) ou des alliés ?
Il ne faut pas avoir une compréhension restrictive de mes propos. Les pièges viennent d’ailleurs plus de l’adversaire. Nous sommes encore en train d’évaluer cette campagne électorale, de recenser le chapelet de causes de notre échec. Nous savons qu’au jour d’aujourd’hui, manifestement, nous avons eu des dysfonctionnements internes et des équations posées par nos adversaires non résolues. 


Est-ce que vous n’êtes pas en train de faire allusion à votre frère de la mouvance présidentielle Seydou Guèye ?
Non, je ne fais aucunement allusion à Seydou Guèye. Lui, pas peut-être tous les autres militants du parti, a juré devant les Sénégalais qu’il a voté pour notre coalition. J’en prends acte. 

Des personnes appartenant à l’Apr seraient sur la liste du maire Bamba Fall ?
Oui, des militantes identifiées de l’Apr auraient été cooptées sur cette liste, mais nous ferons les vérifications nécessaires.


Quand des militants vont jusqu’à changer de camp pour s’inscrire dans une liste autre que celle de leur camp, cela veut dire qu’ils ont carrément changé de bord. Est-ce qu’on peut toujours les considérer comme de l’Apr ?
Ce n’est pas à moi de prendre des décisions relatives à ces comportements. Mes militants et moi nous contenterons d’apporter la réplique politique adaptée, à la mesure de cet éventuel comportement irresponsable contre la liste du Président. Je demeure cependant persuadé que les autorités du parti (Alliance pour la république) en tireront, elles, toutes les conséquences. Nous allons faire un rapport sur cette situation.


Mais est-ce que vous n’êtes pas en train de chercher des excuses à votre défaite à la Médina ? 
Non. Je ne cherche pas d’excuses. J’ai dit que si vote sanction il y a, nous allons l’évaluer, mais il ne peut constituer la seule cause de notre échec. On le reconnaît. La prise en charge du processus électoral n’a pas, peut-être, été des plus parfaites. En analysant, par exemple, les chiffres des dernières élections à la Médina, j’avais dit que notre principal adversaire (Bamba Fall) semblait avoir une base politico-affective fossilisée, quasiment indéboulonnable de 8 000 ou 9 000 électeurs. Donc, nous avions un objectif d’au moins 10 000 électeurs que nous n’avons pas atteint. Nous assumons cet échec.  Autre exemple, l’impact de la liste «Sénégal 2035». Cette liste n’a collecté que 300 électeurs environ, mais, compte tenu du profil de certains ténors qui la dirigeaient, nous pensons qu’une mutualisation de nos moyens aurait pu apporter une valeur ajoutée à BBY. Je pense au trio Pape Momar Diop, Pape Djibril et Doudou Diagne.
 
Est-ce que vous aviez intégré cette donne d’échec ?
À dire vrai, je n’ai jamais envisagé, un seul instant, que le maire actuel (Bamba Fall) pouvait remporter cette élection locale. C’est le lieu d’ailleurs de féliciter toute la nouvelle équipe municipale qu’il dirige. Je prie Dieu qu’IL accompagne tous ces filles et fils de Médina qui la composent, pour le bonheur de notre commune. Je considère que nous avons fait tout ce qui, humainement et politiquement, était possible pour remporter ces élections locales à la Médina. Nous avons travaillé sur tous les schémas imaginables, depuis plus d’une année. Malheureusement, il y a des situations qu’on avait certes prévues, mais qui n’avaient pas été suffisamment prises en charge en amont. Il s’agit par exemple de la violence. J’ai, moi-même, rencontré trois personnes qui ne sont pas venues voter, considérant que la Médina était devenue une terre de violence et que ce n’était point la peine d’aller voter et de courir un risque. Nous pensons aussi avoir été lésés, de ce point de vue. 


Mais d’aucuns pensent que le débat sur l’homosexualité, surtout le discours flou du Président Macky Sall sur cette question ne vous a pas avantagé durant ces élections locales. Qu’en pensez-vous ?
Le Président Macky Sall n’a jamais eu un discours flou sur l’homosexualité. Pour qui me connaît aussi, ayant quasiment été élevé par Serigne Abdoul Aziz Sy Dabakh, ma position, sur cette question, est sans équivoque.


Quid de son discours aussi sur le troisième mandat ?
C’était une guerre de communication. A la Médina, je pense que ces thèmes (homosexualité et troisième mandat) n’ont pas prospéré. D’abord, ces thèmes, manifestement de dimension nationale, n’étaient des éléments de langage de la coalition gagnante; ils étaient plutôt portés par Yewwi Askan Wi, qui est arrivée en troisième position. C’est dire… 


Est-ce que vous n’avez pas fait les frais d’une certaine inaccessibilité, parce que selon certains Médinois, le maire sortant, Bamba Fall, est plus en contact avec les populations, ce qui ne serait pas votre cas, vu vos lourdes responsabilités de Directeur général de la Caisse des dépôts et consignations (Cdc) ?
Mais ceux qui racontent ces choses-là véhiculent de fausses informations. J’ai toujours été au contact des populations de la Médina. En 1988 déjà, après avoir obtenu un diplôme d’entrepreneurship avec des canadiens, je sillonnais la Médina pour former les jeunes à l’entrepreneuriat. J’ai toujours milité dans le mouvement associatif. J’ai été président de commission puis président de l’Asc Diécko.  Et je rappelle aussi que j’ai toujours fait de la politique. Très jeune, j’ai flirté avec And Jëf/Pads et mes idoles étaient Lamine Senghor et Aline Sitoé Diatta. En 1996, je dirigeais les jeunes de El Hadji Malick Sy Souris, candidat pour la Mairie de la Médina. La création en 2011 de Proxim’Jeunes m’a permis de formaliser toutes mes activités et mes actions dans l’entrepreneuriat et dans le social. Depuis 2011, je suis donc sur le terrain, chaque fois que mes occupations professionnelles, toutes au service des citoyens, me le permettent. Je le répète, quand aujourd’hui on donne une indemnité de 300 000 FCfa à un maire, c’est parce qu’implicitement, la loi considère que le maire doit travailler et avoir un travail rémunéré. Je ne pense pas qu’avec 300 000 FCfa qu’un maire puisse faire vivre sa famille. Oui, le maire actuel a un avantage comparatif car, à ma connaissance, il n’a pas une autre occupation professionnelle et il a le loisir, tous les jours, de parcourir la commune et sembler plus proche des populations. En tout état de cause, dans mon programme cette perception du Maire, Dieu dans la commune, distribuant à tout-va et de façon informelle les richesses de la commune, devait être abandonnée, même s’il doit rester, à tout moment, à l’écoute des populations. Les budgets participatifs et, subséquemment, la responsabilisation des conseillers élus par zone, devaient nous permettre de démocratiser les prises de décisions.  


Que répondez-vous à ceux qui disent que vous avez trop cru en vos moyens financiers qu’au travail de terrain convenablement fait pour gagner la confiance des Médinoises et Médinois ?
Ce sont encore là des histoires. Une légende construite sciemment sur ma personne. Malheureusement, la générosité a un revers au Sénégal. Dès que vous donnez à quelqu’un 10.000 francs, il considère que vous avez 100.000, dès que vous donnez 100 000 FCfa, que vous avez gardé un milliard FCfa ainsi de suite. Au Sénégal, on conçoit qu’un médecin, qu’un ingénieur puisse construire une maison ou en acheter mais que quelqu’un qui a travaillé pendant trente ans et qui a occupé des fonctions prestigieuses dans ce pays, ne puisse avoir une case. Par mes principes, je refuse de mettre l’argent dans le combat politique. Il se trouve que je suis un fils d’un terroir relativement pauvre et je m’efforce d’aider mes frères et sœurs avec ce que j’ai honnêtement gagné, par la grâce de Dieu. Les populations de la Médina, quelles que soient leurs positions politiques, ont bénéficié de mon soutien, parce que je le fais sans calcul. Il ne faut pas que les gens refusent que je revienne dans mon royaume d’enfance, la Médina, et aider les populations. Le contraire serait condamnable. Au demeurant, je défie quiconque de prouver que j’ai cherché un jour à enrôler des gens par l’argent. Tenez, lorsque nous avons finalisé la levée de fonds avec la Der (Délégation générale à l’entreprenariat rapide des femmes et des jeunes) et le Crédit Mutuel, j’ai demandé à mes collaborateurs d’attendre après les élections pour remettre les prêts aux femmes. Juste pour éviter que l’on crie à la corruption. Je suis à la fois sur le terrain social et sur le terrain politique où j’ai pu doubler l’électorat de Benno bokk yakaar à la Médina. Les jeunes me portent dans leurs cœurs, pas pour de l’argent. Il y a beaucoup d’anonymes qui me suivent et qui ne m’ont jamais vu, jamais approché. 


Vous avez dit que vous avez doublé l’électorat de Benno bokk yakaar à la Médina par rapport aux locales de 2014. Mais aujourd’hui, beaucoup pensent que les Directeurs généraux et les ministres qui ont perdu les élections locales doivent être sanctionnés par le Président Macky Sall. Que répondez-vous personnellement ? 
Là aussi, c’est une position que je comprendrai difficilement. Je pense que nous sommes dans une compétition politique. Comme je le dis très souvent, quand un latéral droit rencontre Lionel Messi, ce n’est pas que le latéral soit mauvais. C’est Messi qui est un peu fort que lui. A contrario, quand Messi est muselé un soir de match par un défenseur, cela ne signifie nullement qu’il est meilleur que Messi. (Rires) On peut être bon et être battu. Donc, je pense que le Président Sall appréciera les chiffres, les apports des uns et des autres et en tirera toutes les conséquences. Pour ma part, je lui réitère mon engagement et ma loyauté.


Est-ce que vous avez échangé avec le Président Macky Sall après la fin du scrutin ?
Non. 

Comment analysez-vous les résultats de Benno bokk yakaar à Dakar ? Est-ce que ces résultats ne vous ont pas un peu surpris, surtout avec la razzia de Yewwi Askan Wi à Dakar?
Oui, ça nous surprend. Nous n’avons jamais pensé qu’il pouvait y avoir un tel écart, même si on pouvait imaginer une défaite. N’oubliez pas que Dakar n’était pas entre les mains de Benno bokk yakaar. Dakar était entre les mains de l’opposition. Je considère qu’on pouvait donc imaginer être battu, mais pas avec un tel écart, car nous avions un bon candidat. Félicitations aussi au nouveau Maire. 


Vous n’êtes pas membre de l’Apr, vous êtes de la mouvance présidentielle. Vous avez un mouvement. Pour votre avenir politique, est-ce que vous envisagez d’aller à l’Apr ?
Pour l’instant, j’ai décidé de prendre un petit repos de deux ou trois jours pour venir après rencontrer les militants de mon mouvement. Je considère, compte tenu de l’échec que nous avons subi, que nous avons besoin de rebondir et de repenser notre stratégie. Nous allons donc prendre des décisions et nous aviserons.


Vous avez dit qu’il vous faut évaluer les résultats des locales, mais là, il faudra le faire vite parce que dans cinq mois on va vers les élections législatives. Est-ce que vous êtes prêt à tenir la bannière de Benno bokk yakaar à la Médina ?
Nous serons toujours prêts pour nous battre pour que le Président Macky Sall conforte sa majorité. Dans quelle forme ? Je l’indiquerai quand je rencontrerai les membres de mon mouvement la semaine prochaine. Nous allons prendre des décisions et nous aviserons comme je l’ai indiqué.



















l'OBSERVATEUR



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