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En Algérie, les femmes se joignent à la contestation pour un troisième vendredi de manifestations

Rédigé par Dakarposte le Vendredi 8 Mars 2019 à 22:16

En Algérie, des dizaines de milliers de manifestants sont rassemblés au centre de la capitale pour ce troisième vendredi de protestation nationale contre la candidature d'Abdelaziz Bouteflika à un 5e mandat.


Vendredi 8 mars, des dizaines de milliers de personnes sont rassemblées dans le centre d'Alger, scandant des slogans hostiles à la candidature du président Abdelaziz Bouteflika. À la mi-journée, des flots d'hommes et de femmes, brandissant ou drapés dans des drapeaux algériens ont continué de converger vers la Place de la Grande-Poste, bâtiment emblématique du cœur d'Alger, rejoignant le point de rassemblement de la manifestation dans la capitale.

Les rangs des manifestants devraient grossir dans l'après-midi, à l'issue de la grande prière hebdomadaire musulmane. En ce troisième vendredi de manifestation, la mobilisation est très largement supérieure aux précédents à Alger, ce qui est également le cas dans les deuxième, troisième et quatrième villes du pays, Oran, Constantine et Annaba, ainsi qu’à Béjaïa en Kabylie.

Déployées en nombre à Alger, les forces de l’ordre ont dû faire usage de gaz lacrymogènes et de grenades assourdissantes pour disperser des manifestants qui tentaient de forcer un cordon de police bloquant l’accès à une artère remontant vers la présidence de la République. Un incident isolé et sans conséquence. La manifestation, rejointe par de nombreuses familles et enfants a malgré tout pu se dérouler dans une ambiance festive, tout comme lors des précédentes manifestations qui, à l’exception de quelques heurts, ont toujours été pacifiques.

Les "18 commandements des marcheurs du 8 mars"

Suivant le même schéma ce 8 mars, les manifestants marchent dans le calme, ce qui ne les empêche pas pour autant d’agiter leurs drapeaux et de siffler chaque fois qu’un hélicoptère bourdonne au-dessus de leur tête.

Écrits dans le but de poursuivre dans une voie ne laissant place à aucun débordement, les "18 commandements des marcheurs du 8 mars" du poète Lazhari Labter ont également circulé sur Facebook, érigés en véritable marche à suivre. Parmi eux, "Pacifiquement et tranquillement je marcherai", "À aucune provocation je ne répondrai", "Pas une pierre je ne jetterai", "Après la marche […] je nettoierai".

Les femmes "entendent faire basculer l'histoire"

Sur les réseaux sociaux, le hashtag #Mouvementdu8Mars appelle à une mobilisation massive, malgré les mises en garde sur les risques de "chaos" lancées par le chef de l'État Abdelaziz Bouteflika qui semble déterminé à ne pas céder. Les manifestants réclament des changements à la tête de l’État et rejettent la candidature du président sortant pour un cinquième mandat.

Ce troisième vendredi de mobilisation coïncide avec la Journée internationale des droits des femmes. Une journaliste à Alger, qui s'est exprimée sur France 24, explique que beaucoup d'entreprises accordent traditionnellement une demi-journée chômée et donc payée à leurs salariées.

Les femmes, très présentes depuis le commencement des manifestations, devraient être nombreuses dans les cortèges. "Elles entendent faire basculer l'histoire", explique Meriem Amellal Lalmas, journaliste sur France 24. "Les femmes ont toujours été présentes lors de ces mobilisations", ajoute-t-elle, mais "aujourd'hui, parce que c'est la journée des femmes, on se rappelle un peu plus des femmes qui se sont battues pour le pays dans le passé". Parmi elles, des icônes sont d'ailleurs attendues dans la marche à l'instar de Djamila Bouhired, militante du FLN et véritable figure de la guerre d'indépendance de l'Algérie.

"La présence des femmes est symbolique". En témoigne cette anecdote marquante, recueillie par Meriem Amellal Lalmas d'une femme participant au cortège, et dont le père offrait traditionnellement des fleurs en cette journée du 8 mars. "Aujourd'hui il lui a offert le drapeau qui appartenait à son oncle qui est mort pendant la guerre d'indépendance."

Avocats et journalistes se joignent à la protestation

La veille, la contestation s'est poursuivie, notamment dans la capitale, où les manifestations, officiellement interdites depuis 2001, sont désormais quasi-quotidiennes.

Un millier d'avocats du barreau d'Alger se sont rassemblés jeudi devant le siège du Conseil constitutionnel qui étudie, depuis le 4 mars, les dossiers de candidatures à la présidentielle, en réclamant qu'il invalide celle du chef de l'État.

Défilant sur environ 1,5 km, les avocats, en robes noires et brandissant des drapeaux algériens, sont parvenus à franchir, au prix de quelques bousculades mais sans heurts, plusieurs cordons de police pour parvenir au Conseil constitutionnel.

"Nous demandons au Conseil constitutionnel d'assumer ses responsabilités (...) cette candidature est irrecevable", a expliqué Me Ahmed Dahim, membre du Conseil de l'ordre des avocats d'Alger, alors que ses confrères scandaient "Non au 5e mandat !".

Leurs confrères de Constantine, en grève depuis la veille, se sont aussi rassemblés devant le tribunal de la 3e ville du pays.

Le Conseil constitutionnel doit statuer sur les candidatures avant le 14 mars. Abdelaziz Bouteflika, 82 ans, a perdu au cours des dernières 24 heures le soutien, qui lui est habituellement acquis, des trois importantes associations liées à la guerre d'indépendance dont il est un ancien combattant, selon des communiqués publiés dans les médias locaux.

Journalistes dans la rue

Plusieurs dizaines de journalistes – de médias privés et publics de presse écrite et du secteur de l'audiovisuel – se sont également rassemblés pour le 2e jeudi consécutif sur la Place de la Liberté de la Presse, dans le centre d'Alger, pour protester à nouveau contre les "pressions" exercées selon eux par leur hiérarchie dans leur couverture du mouvement de contestation.

Ils entendent également afficher leur solidarité à l'égard des quotidiens arabophones Echorouk et El-Bilad qui, selon certains de leurs journalistes, sont privés depuis plusieurs jours de publicité institutionnelle en représailles à leur couverture de l'actualité.

La police, qui a arrêté une dizaine de journalistes lors de la précédente manifestation, n'est pas intervenue jeudi.

Des assemblées générales, devant réunir enseignants et étudiants, devaient également se dérouler jeudi dans plusieurs universités à travers le pays pour débattre notamment du déclenchement de mouvements de grève.



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