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En RD Congo, Félix Tshisekedi ne parvient pas à nommer un gouvernement

Rédigé par Dakarposte le Mercredi 6 Mars 2019 à 22:43

Six semaines après l'investiture de Félix Tshisekedi à la tête de la RD Congo, la formation de son premier gouvernement est toujours attendue, tandis que la puissante Église catholique appelle à une véritable rupture avec l'ancien régime.


À quand le premier gouvernement de l’ère Tshisekedi ? Plus d'un mois après l’investiture de Félix Tshisekedi, les Congolais attendent toujours la formation du nouveau gouvernement post-Kabila. Le nouveau président issu des rangs de l’opposition, qui gère les affaires courantes,n’a pas encore désigné son Premier ministre.

Selon la constitution congolaise, le chef du gouvernement doit être issu de la coalition majoritaire au Parlement. Or à l’issue des dernières législatives, c’est le Front commun pour le Congo (FCC), la coalition qui rassemble les partisans de Joseph Kabila, qui a remporté la grande majorité des sièges de l’Assemblée nationale (341 sur 500).

Bien qu'un accord de cohabitation lie Joseph Kabila à son sucesseur, la lutte pour le contrôle du pouvoir est âpre. À la veille des résultats d’un scrutin tendu, l’ancien président, anticipant une lourde défaite de son dauphin Emmanuel Ramazani Shadary, s’était discrètement rapproché de Félix Tshisekedi, décrit comme plus conciliant que Martin Fayulu, autre candidat de l’opposition, dans un but de partage du pouvoir.

Samedi 2 mars, le camp de Joseph Kabila a donné le ton en réclamant le poste de Premier ministre et celui de président de l’Assemblée nationale. Emmanuel Ramazani Shadary a revendiqué, selon Jeune Afrique, pour le compte du PPRD, parti dont il est le secrétaire permanent, et du FCC, les deux plus hautes fonctions politiques après celle du chef de l’État.

"Au terme du décompte fait à ce jour, il revient au PPRD (116 députés) de conduire le gouvernement et de travailler dans la cohésion avec la plateforme Cach [Cap pour le changement, la coalition formée autour du nouveau président, Félix Tshisekedi, NDLR], notre nouvel allié au sein de la coalition", a affirmé Emmanuel Ramazani Shadary, devant des députés de la coalition à Kinshasa.

Promesses électorales

Ce discours rencontre des résistances du côté des pro-Tshisekedi. Un Premier ministre et un président de l’Assemblée nationale pro-Kabila permettraient à l'ex-président d’avoir une mainmise sur l’appareil étatique. Or Félix Tshisekedi, bien qu’il ne dispose que d’une cinquantaine de députés à l’Assemblée nationale, a prévenu qu’il n'accepterait pas d'être "un président qui règne mais qui ne gouverne pas", lors d’une rencontre avec des Congolais de la diaspora en Namibie.

"Il n’y a jamais eu de cohabitation heureuse en Afrique", prévient Antoine Glaser, spécialiste de l’Afrique et co-auteur de "Nos chers espions en Afrique" (éd. Fayard), contacté par France 24. "Mais ce retard est moins lié à des problèmes de répartition entre les camps Kabila et Tshisekedi. Il y a des équilibres régiono-ethniques à respecter et beaucoup de personnes à récompenser. C’est aussi compliqué dans le camp de Tshisekedi que dans celui de Kabila", analyse le spécialiste. Et d'ajouter : "À mon avis, cette exigence du Front commun pour le Congo n’est pas essentielle. L’essentiel dans un pays comme la RD Congo, c’est le contrôle de l’armée et de l’économie minière". Or, ce sont encore les hommes de Kabila qui contrôlent encore ces secteurs stratégiques du pays.

Pour tenir ses promesses électorales, le nouveau président doit très vite rompre avec le mode de gouvernance de l’ancien régime, qui s’est longtemps englué dans la corruption et les détournements au détriment d’une population très pauvre. Samedi 2 mars, Félix Tshisekedi a dévoilé un programme d’urgence pour les 100 premiers jours de son mandat estimé à 300 millions de dollars et axé sur la sécurité, la justice et les infrastructures routières. Il a aussi promis libérer tous les prisonniers politiques et exprimé sa volonté de faire revenir tous les exilés, dont l’opposant Moïse Katumbi, gros soutien de Martin Fayulu qui contestait les résultats du scrutin conforté par les chiffres de l’Église catholique le donnant réel vainqueur avec plus de 60 % des voix.

"Mesures spectaculaires"

"On voit bien qu’il est réduit à ses seules prérogatives présidentielles. La seule façon pour lui de pouvoir s’affirmer comme président, c’est d’annoncer des mesures spectaculaires à destination de la population. Tandis que pour l’ensemble de la gouvernance du pays, sa marge de manœuvre est extrêmement étroite", analyse Antoine Glaser.

Pour autant l’Église catholique, qui a déployé plus de 40 000 observateurs lors du scrutin, entend maintenir la pression sur Félix Tshisekedi. Lundi 4 mars, les évêques ont invité à Kinshasa les nouveaux dirigeants de la République démocratique du Congo à "rompre radicalement avec les antivaleurs" des régimes précédents, en assurant une bonne gouvernance et un État de droit. Une pique à peine voilée contre Joseph Kabila, dont les relations avec l’institution religieuse ne sont plus au beau fixe depuis l’élection contestée de 2011. Les évêques appellent, entre autres, à la sécurisation des frontières et la pacification des zones en proie à l'insécurité et à la présence des groupes armés, à la bonne gouvernance et à la lutte contre la corruption.

Cette sortie de l'Église catholique fait écho à celle, fin février, de l’Église du Christ au Congo (ECC), la plus grande organisation protestante et évangélique du pays. Elle a interpellé le nouveau président sur la qualité du personnel politique qui devra composer la nouvelle équipe dirigeante. "Aux acteurs politiques de s’en tenir à la rigueur du critérium de moralité, éviter les personnes qui se sont rendues coupables de viol sur les mineurs, harcèlement sexuel, détournement des deniers publics, délits d’initié", avait déclaré le pasteur Éric Nsenga Nshimba, porte-parole de l’ECC.

"L'Église essaie de sauver les meubles de la démocratie en faisant pression sur Tshisekedi. L'Église a en réalité été largement humiliée lors de ce scrutin. Elle va continuer de s’exprimer. Mais au-delà des nominations, la vraie question est de savoir si le nouveau président aura une marge de manœuvre dans les secteurs stratégiques”, explique Antoine Glaser.

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