Voilà une semaine déjà que le ministre de l’Intérieur et son homologue des Transports ont procédé à la levée des restrictions qui pesaient sur le sous-secteur du transport interurbain, mais sous des conditions à respecter. Pendant ce temps, ce presque-retour à la normale semble déjà faire oublier aux usagers, notamment des transports en commun urbains, la persistance et le niveau de contagiosité de la maladie à coronavirus aujourd’hui plus que jamais présente. C’est le relâchement. Constat à la gare routière de Keur Massar où ce que l’on voit est affreux et spectaculaire. Reportage ! |
Chauffeurs, apprentis, usagers, vendeurs à bord, tous font comme si de rien n’était. Un relâchement sans précèdent avec le respect des mesures barrières qui a connu un grand bond en arrière. Même le nombre d’usagers (clients, chauffeur et apprentis) limité aux places assises n’est plus de mise. Pis, certains conducteurs de minicars et «Ndiaga Ndiaye» et «Super» prennent jusque sur les marches-pieds. Pas un moindre semblant de contrôle, le risque de sante publique est perceptible dans leurs moindres faits et gestes. Nous sommes à Keur Massar. A la gare routière de cette commune très peuplée du département de Pikine, il suffit de jeter un coup d’œil pour constater le niveau inquietant de relâchement de la population dans l’observation des mesures barrières : distanciation physique foulée au pied, des masques abaissés juste au menton, accrochés sur une oreille ou à la main, bousculade entre usagers… Bref, même des masques déjà utilisés et jetés au bord des routes témoignent du niveau d’abandon excessif des mesures de prévention individuelles et collectives. Ici, chauffeurs, apprentis et clients ont tous renoué avec leurs anciennes habitudes, de telle sorte que respecter les mesures édictées peut être assimilé à un comportement «marginal». Dans cette gare qui accueille des centaines de véhicules et plusieurs milliers de personnes par jour, l’incivisme et l’inconscience semblent atteindre leur paroxysme. Un état de fait qu’atteste déjà cette receveuse de Tata qui se plaint de l’attitude barbare de certains clients. «Lundi passé, j’ai refusé l’entrée à un homme parce qu’on avait atteint le nombre de places (assises) à bord. Il n’y avait qu’une seule place disponible. Alors, à l’arrêt bus, malheureusement pour lui, une femme est montée en première et j’ai exhorté les autres d’attendre la prochaine ligne, mais lui a fait la sourde oreille et est monté de force, arguant qu’il ne va pas aller loin et qu’il descendra à l’arrêt prochain. Quand je lui ai ordonné fermement de descendre, il m’a traité d’insolente et de tous les noms d’oiseau. N’eût été l’intervention des passagers, il m’aurait agressé», redoute-telle. QUAND LE DIABLE EST DEMYSTIFIE Alors que la Covid-19 se propage davantage au Sénégal, notamment dans la région-capitale, Dakar, qui concentre plus de deux tiers des malades, les spéculations et les fausses nouvelles se repandent également à grande vitesse. Occasionnant une «démystification» de la maladie chez certains. C’est bien le cas de cet apprenti minicar très réfractaire, trouvé à la ruelle qui mène vers la Cité Aïnoumady de Keur Massar. «Je suis immunisé, moi. Tu ne vois pas ? Je suis assez fort pour vaincre le Coronavirus. Je suis blindé, noir, vif ; en plus, je passe toute la journée sous le chaud soleil. Donc, cette maladie ne peut rien contre ma personne. Je vis zéro stress et ne suis intéressé que par mon travail pour satisfaire mes besoins et ceux de mes parents. Ce n’est pas Macky et son gouvernement qui vont les nourrir», débute-t-il sur un ton comique. Avant d’ajouter : «je fais le trajet Aladji Pathé, Marché Bou Mag et une foi les grandes ruelles dépassées, il n’y a plus de contrôle policier. Et on peut charger à plein, sans crainte, parfois même ce sont les clients qui s’entêtent à monter», explique-t-il Le même état d’esprit est noté chez son client assis sur le siège arrière, juste derrière le chauffeur. Même s’il ne nie pas l’existence de la maladie, il affirme n’être plus gagné par la psychose que lui infligeait la Covid-19 au tout début. «Au fil du temps, j’ai appris à vivre avec la présence de la maladie, comme l’a suggéré notre président (Macky Sall). Je ne peux pas renoncer à mes activités ; donc je suis obligé de prendre le transport en commun. Tout le monde sait comment ça se passe, tu ne peux y monter et assurer que personne ne te touchera, c’est impossible. Heureusement qu’on sait presque tout de la maladie. Je n’ai plus peur et je mène tranquillement ma vie d’antan, sans soucis, parce que tout est question de psychologie», révèle-t-il DES CITOYENS DEPLORENT LA LEVEE PRECOCE DES RESTRICTIONS Si le laisser-aller noté dans le milieu du transport n’ébranle pas la quasi-totalité des usagers iterrogés, ce n’est pas le cas chez Mor Thionguane, trouvé en bordure de route, en face de la gare routière, visiblement très exaspéré par la situation. «L’indiscipline observée dans le nonrespect des mesures barrières est à l’image d’une partie du peuple qui ne comprend pas les enjeux sanitaires. Si la maladie a atteint ce niveau, aujourd hui, c’est à cause des déplacements. Ici, à Keur Massar, il n’y a pas assez d’agents dans les rues. L’Etat devrait prendre en compte tout ceci, au lieu de lever toutes les restrictions alors que même le contrôle fait défaut. On ne peut avoir le beurre sans un sou en poche. Le confinement en Europe a été dur, mais méthodique. Et cela commence à se sentir dans le recul. Ici, tout le monde touche à tout. Pis, si tu essayes d’intervenir, tu n’y verras que du feu. En tout cas, ça ne rassure pas et ce n’est pas à ce rythme que la maladie va nous quitter», prévient-il |
L’allègement des restrictions, la racine du mal
Rédigé par Dakarposte le Samedi 13 Juin 2020 à 15:19
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