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Macky a-t-il besoin d’un premier ministre ?

Rédigé par Dakarposte le Mardi 29 Novembre 2016 à 12:33

Macky a-t-il besoin d’un premier ministre ?
La tenue d’une rencontre avec l’opposition, offre au Président Macky Sall, une belle opportunité de relancer le dialogue politique, interrompu par une banale mésentente sur la refonte du fichier électoral, et l’épineux dossier du pétrole.

La réactivité présidentielle est d’autant plus salutaire, qu’elle devrait nous permettre de nous prémunir contre un déplorable contentieux électoral, alors que le Sénégal avait dépassé ce stade initiatique des démocraties balbutiantes et en apprentissage. La suppression de l’inutile disposition sur la confirmation dans la nouvelle loi électorale, le vote sur l’ancien fichier, et le différemment de cette refonte peuvent être des pistes d’entente, pour une plus sérénité dans notre climat social tendu.

Le premier gagnant, en serait le Président Sall, re-crédibilisé sur son point faible, l’exercice démocratique et renforcé sur ses choix économiques appréciables. Sa récente sortie au FMI, le prouve aisément. Et sa persistance à restreindre les libertés politiques est en totale contradiction avec la reconnaissance internationale du PSE.

Devant la Directrice Générale du FMI, Christine Lagarde et un parterre d’acteurs économiques de haut niveau de responsabilité, le Président Macky Sall, il faut bien le dire a présenté, avec un rare brio, les perspectives des politiques publiques du Sénégal. Tout y était. L’éloquence du verbe, la pertinence des idées, la maîtrise des problématiques, et même, un ton un tantinet transgressif, notamment sur la politique ferroviaire, sur laquelle, il a égratigné le conservatisme, la frilosité et l’attentisme des partenaires financiers et techniques du Sénégal.

La cohérence de sa pensée, nuancée mais audacieuse a tout de même séduit, Mme Lagarde, obligée de sortir de sa réserve naturelle, pour susciter une salve d’applaudissement, chaque fois que le Président Sall slalomait avec aisance dans les méandres du PSE, pour en faire ressortir les points saillants.

Le Président ne donnait pas l’impression de réciter des formules toutes faites, puisqu’il répondait à des questions du DG du FMI herself. Il disait ce qu’il savait et maîtrisait, persuasif, comme s’il avait lui-même rédigeait la charge du Plan.

La politique ferroviaire a été certes le point culminant de son intervention. L’option de la modernité, pour un réseau datant de 1920 était sans doute, la meilleure réponse aux maladroits et surannés replâtrages que proposent les partenaires dubitatifs sur les capacités du Sénégal a donné le change sur le plan financier. La réponse du Président Sall, est cinglante ; « si le faut, nous trouverons les moyens nous-mêmes ! »

Fouetter son orgueil et ego, peut être parfois motivant et convaincant, même si les moyens peuvent faire défaut. Mais il y a la foi qui soulève des montagnes. C’est le propre des visionnaires, qui savent aussi rêver, pour ne pas tuer l’espoir. Le mixte énergétique, la révolution solaire, la société numérique, les audaces sociales dans la santé et la précarité, le tout adossé à une offensive politique des infrastructures routières, cela donne au PSE sa légitimité socioéconomique que le FMI ne peut que valider.

Pour une fois, le Président a quitté son niveau stratégique aérien, pour porter les habits de l’opérationnalité. Cohérent comme un bon Premier ministre et pointu comme un excellent ministre des finances. C’est à se demander, si le Président Sall avait vraiment besoin d’un Premier ministre. Devant des circonstances aussi analogues, le Président Diouf n’avait hésité pas à supprimer ce poste, pendant des années, avant de réhabiliter…uniquement pour repositionner son ami Habib Thiam , sympathique, mais trop figé dans sa loyalité et sa culture socialiste, pour apporter les changements.

Le premier ministre Mamadou Lamine Loum aurait pu y parvenir, mais le temps lui a manqué. L’histoire est-elle en train, de se répéter pour le Président, qui, à l’analyse de ces faits, pourrait bien se mettre en frontline et diriger directement les opérations, sans l’aide d’un Premier ministre. La perspective peut-être intéressante à explorer, puisque contrairement à Abdou Diouf en bout de piste, il n’acceptera pas qu’un Super ministre (des affaires et services présidentiels), gouverne par procuration à sa place. Le Président est jeune et maîtrise ses dossiers certes, mais trop autoritaire, pour n’être qu’un figurant , laissant la réalité du pouvoir à un fantôme agissant, omniprésent et omnipotent. Sans être omniscient !

Le Grand oral du Président Sall, a sans doute révélé, de vrais talents oratoires du chef de l’état. Et son attachement à la compétence sénégalaise, maître d’œuvre et soubassement de cette mutation enclenchée avec l’appui de cabinets internationaux, professionnels jusqu’au bout des ongles, et capables d’agréger et de mettre en cohérence, les idées les plus généreuses et les plus pertinentes. Alors qu’il nous avait habitués à critiquer –voire dévaloriser- ses conseillers, le Président, a cette fois, rendu le meilleur des hommages à son administration financière et économique. Qu’à cela ne tienne et acceptons-en l’augure !

Mais, question lancinante, l’administration sénégalaise dans sa globalité a-t-elle la préparation et l‘ADN nécessaires, pour accompagner cette révolution tranquille ? Difficile à dire, tant sont persistantes les pratiques handicapantes, les lenteurs, la corruption et souvent, une inadéquate formation.

Et pourtant, l’ex Premier Ministre Aminata Touré avait tenté en vain, de professionnaliser notre administration. Elle voulait s’appuyer sur deux piliers essentiels : la gestion rationnelle et prévisionnelle des ressources humaines et un dispositif d’évaluation des politiques publiques par un suivi et un monotoring plus serré. La proposition d’une nomination d’un Directeur des Ressources, l’introduction de la motivation et du mérite avec une dose de flexibilité constituaient d’intéressantes pistes, d’une gouvernance marquée du sceau de l’efficience.

Mais en dépit d’une nette amélioration de l’environnement administratif et d’une plus grande attractivité pour l’investissement, par une réforme de la fiscalité, notre administration reste à la traine, en terme de comportements irrationnels, chronophages et contre-productifs.

Et du coup, la belle sortie du Président reste une belle performance personnelle, qui rend caduques les accusations d’incompétence proférées ça et là. Mais son discours reste décalé par rapport aux réflexes de notre administration, qui, en dépit de moult réformes, demeure balourde, victime de ses tares congénitales. Il y a là des efforts gigantesques à faire, pour relooker l’administration, repenser la décentralisation avec son amer goût d’inachevé.

Au même moment où le climat s’apaise, notamment dans le secteur éducatif, il nous paraît incongru d’entretenir des sources de conflit, avec l’appareil judiciaire. Avec le risque d’embrouiller les résultats économiques et sociaux en gestation. Simple question d’opportunité politique et de communication. L’indignation sélective des magistrats, orientée sur leurs intérêts matériels et moraux de « classe », est tout aussi incongrue. S’ils mettaient autant d’énergie à défendre l’indépendance de la justice, ils donneraient certainement plus de légitimité populaire, à leur lutte.

mndiaye@seneplus.com



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