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Tariq Ramadan, Lettre ouverte

Rédigé par Dakarposte le Mardi 24 Octobre 2017 à 19:38

Fanny Bauer-Motti Devenez fan
Docteur en psychologie clinique et psychopathologie, psychologue clinicienne, psychanalyste et auteure.


Tariq Ramadan, Lettre ouverte
Je n'aime pas prendre la parole en dehors de mon domaine: la psychologie. En effet, pour moi la psychologie est mon mode d'accès au monde. Je me suis structurée dans une famille où la psychologie est le centre de tout. On écoute, on voit et on entend l'autre à travers cette donnée: ce qui se dit n'est pas forcement ce qui est, ce que tu vois n'est pas le tout, ce que tu vois est une perception. Le temps et la compréhension seulement t'amènent à la vérité. Je prends toujours mon temps pour parler, je pose d'abord des hypothèses, je fais très attention aux mots et je ne parle jamais sans certitude.
Aujourd'hui je sors de mon confortable silence pour moi aussi participer à ces regards qui témoignent du monde. Depuis vendredi, un lynchage médiatique concernant Tariq Ramadan inonde mon Facebook. Traité comme un coupable, déferlement de haine et spéculation en tout genre. Pourtant il y a quelque chose de fondamental et important qui unit les hommes et structure nos identités respectives: il s'agit de la loi. La loi nous dit que nous sommes innocents jusqu'à preuve du contraire. Ce principe de base est utile car nous sommes des êtres humains très complexes et nous passons notre temps à juger plutôt qu'à comprendre, à percevoir plutôt qu'à voir.
Par mesure de précaution donc, je ne m'avance jamais à pointer du doigt un coupable. J'ai tellement écouté l'âme de l'homme, je me suis tellement écoutée moi-même, j'ai tellement été formé à bonne école que je sais que la vérité prend du temps. Le mensonge est parfois une construction auquel on croit. Parfois nous voyons l'autre comme notre opposé ou déformé par méconnaissance, névrose et autre complexité du psychisme. Si je ne connaissais pas Tariq Ramadan, j'attendrais avec patience d'avoir plus d'éléments. Mais là où le bât blesse, c'est que je connais le Professeur Tariq Ramadan. J'effectue une recherche à Oxford qu'il accompagne et il fait partit de ces amitiés que l'on sait éternelle. J'ai passé du temps avec lui, passé du temps avec d'autres chercheurs et étudiants(es) d'Oxford, j'ai échangé avec d'autres comme moi, qui travaillent et font de la recherche auprès de lui. Des hommes et des femmes de toutes les origines, de tous les genres et de multiples identités.
Empiriquement donc, je n'ai jamais vu Tariq Ramadan avoir des gestes ou mots déplacés ni avec moi ni avec d'autres étudiantes. Au contraire, contrairement à d'autres hommes et à mon expérience de femme sur le terrain, il fait partie de ces rencontres masculines paternelles, fraternelles qui respectent chaque être humain, femme ou homme sans abus de pouvoir, sans névrose, dans une simplicité aussi bien professorale qu'humaine. Celui ou celle qui connait Tariq Ramadan le sait, qui ne le connaît pas l'imagine. Et attention car l'imaginaire n'amène pas forcement à bon port.
Je suis antidogmatique, hors case, scientifique et j'ai un avis particulier sur le religieux. Pourtant, dans mes échanges avec Tariq Ramadan je n'ai jamais eu affaire à du prosélytisme. D'ailleurs, ici, en Angleterre Tariq Ramadan fait des conférences avec des personnes de confession catholique ou dans des confréries juives. Ici en Angleterre, il n'est pas diabolisé. Et les anglais ont la chance de l'entendre constamment dire "Nous" pour parler de nous tous, hommes et femmes de toutes les confessions. Double discours? Non. Le même en anglais et en français. J'entends que certain ont un autre avis pourtant moi qui le lie dans les deux langues je n'ai jamais vu ce double discours. Encore un mystère médiatique sans réponse. Cela fait donc beaucoup d'éléments qui contrastent à ce qui se dit à son sujet dans les médias à cet instant.
Tariq Ramadan a toute ma confiance, et je ne suis pas du côté des hypothèses mais des certitudes. Je sais qu'il n'a rien d'un violeur. Je le sais par mon métier, je le sais par expérience, je le sais pour l'avoir côtoyé de près et n'avoir jamais rien vu en lui de manipulateur ou autre déclinaison de la perversion et pourtant qui me connaît, sait ma méfiance et mon rapport à la parole. Qui me connait, sait ma rigueur dans l'analyse. Je ne dis que ce dont je suis sûre. Tariq Ramadan a tout mon crédit, mon estime et ma confiance. Vous comprenez donc aisément qu'aujourd'hui je sors de mon silence de précaution pour me positionner.
Cette lettre ouverte n'a pas pour but de convaincre, simplement de dire que nous devons nous méfier des apparences et des fausses informations. La vérité vous l'aurez par la vraie connaissance, pas celle des médias de masse ou d'opinion en opinion, représentations en représentations. Moi-même je suis une simple opinion. Mais une opinion qui parle par expérience, pragmatisme, analyse et sans aucun autre intérêt que la justice.
J'ai appris la puissance du silence, et l'importance de peser ces mots. Je retourne à présent dans mon silence mais reprendrai la parole s'il le faut. Je suis pour la justice et la justice prend du temps. L'autre côté de la barrière n'est jamais loin. Accusé ou accusant, personne n'est à l'abri du regard de l'autre.



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