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Au Mali, l'enlèvement d'un prêtre et quatre fidèles inquiète la communauté catholique

Rédigé par Dakarposte le Jeudi 24 Juin 2021 à 19:19

Cela faisait près de dix ans que les catholiques au Mali n'avaient pas été ciblés de manière aussi manifeste. Alors que les rapts sont devenus monnaie courante dans le centre du pays, quatre fidèles et un prêtre, originaires de Ségué, ont disparu lundi alors qu’ils se rendaient aux obsèques du curé de San, à 200 kilomètres au sud. Selon les informations de RFI, le groupe a été relâché deux jours plus tard, inopinément sauvé par une panne de voiture non loin de la frontière burkinabée. Les ravisseurs se seraient alors débarrassés de leurs otages, jugés trop encombrants.

Libérés, mais pas tous. «De Ségué, on m'a rapporté que seuls les quatre laïcs étaient rentrés», rapporte de son côté le père Kizito Togo, curé de la cathédrale de Mopti, parmi les premiers à avoir alerté de la disparition de son confrère. «Le père Léon, lui, reste introuvable. Il ne nous a pas appelés et personne n’a de ses nouvelles», affirme le prêtre au Figaro.

SI l'enlèvement n'a pas été revendiqué, la région de Mopti est infestée depuis plusieurs années de nombreux groupes armés dont certains, de mouvance djihadiste, sont liés au Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM) affilié à al-Qaida. «Dans cette zone, le kidnapping y est devenu un véritable business», explique Wassim Nasr, journaliste et spécialiste des mouvances djihadistes. Le curé de la cathédrale de Mopti, lui, soupçonne fortement les groupes djihadistes d'être les auteurs de ce nouveau rapt: «Les villageois ont été libérés avec tout leur argent, de simples bandits n'auraient pas agi ainsi», juge-t-il.

«Les djihadistes rodent autour de l'église»
«La situation nous inquiète un peu, même nous qui sommes en ville», confie au Figaro un prêtre du diocèse de Bamako, capitale malienne, située à quelque 400 kilomètres du lieu du rapt. Dans ce pays à grande majorité musulmane, c'est au centre et au sud que se concentrent les quelque 4% de chrétiens et animistes. «Jusqu'à tout récemment, cette région dogon était encore un refuge pour les chrétiens chassés du nord en 2012», explique Thomas Oswald, journaliste auprès de l'organisation Aide à l'Église en détresse (AED). Mais aujourd'hui, les populations du centre ont dû s'accoutumer à la présence djihadiste.

«Ils sont ici, tout autour de nous, témoigne un curé de la région. Tous les soirs, des jeunes viennent rôder devant l'église en chantant, munis de gourdins et de couteaux. Inutile d'être spécialiste pour savoir que ce ne sont pas leurs parents qui les ont équipés ainsi», explique le prêtre. «Beaucoup me demandent comment je peux rester encore ici. Mais on apprend à se côtoyer, nous n'avons pas le choix».

Les chrétiens, nouvelle cible ?
«Qu'un prêtre soit directement pris pour cible est un signe très préoccupant», s'alarme Thomas Oswald, journaliste à l'Aide à l'Église en Détresse (AED), dont l'organisation se dit «très inquiète» pour l'avenir des chrétiens dans la région. Si les rapts sont monnaie courante au Mali, l'attaque directe et ostensible de fidèles catholiques n'avait pas été vue depuis 2012, lorsque les djihadistes avaient pris le contrôle d'une partie du nord malien. Des églises avaient alors été brûlées, une croix décapitée dans la ville de Gao, et de nombreux chrétiens contraints de fuir. «Le vivre ensemble qui existait avant 2012 a disparu», déplore le journaliste de l'AED. Le 5 juin dernier, le journaliste Wassim Nasr alertait sur l'assassinat de cinq chrétiens sur la route entre le Mali et le Niger, une attaque cette fois-ci revendiquée par l'État islamique.

Une nouvelle tendance visant les fidèles chrétiens? Au Burkina Faso voisin, cela fait depuis 2015 déjà que l'Église s'alarme de massacres de fondamentalistes contre les fidèles pour leur foi. Récemment encore, au mois de janvier, un prêtre avait été retrouvé mort trois jours après sa disparition dans le sud-ouest du pays, région en proie aux groupes terroristes. À tel point que l'évêque de Dori, Mgr Dabiré, alertait dans les pages de l'AED en 2019 du risque d'«élimination de la présence chrétienne de cette région, et peut-être aussi, à l'avenir, de l'ensemble du pays».

«Les attaques sont rarement revendiquées et les groupes armés foisonnent, il est donc difficile de savoir exactement si ces personnes sont réellement ciblées pour leur foi», nuance de son côté le spécialiste Wassim Nasr, soulignant une politique différente au sein même des groupes djihadistes. «Tandis que l'État islamique cible clairement les chrétiens, il réside une ambiguïté du côté d'al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi)». De son côté, l'organisation de défense des chrétiens Open Doors a décompté depuis le début de l'année 28 chrétiens tués en raison de leur foi au Mali, et 32 au Burkina Faso.



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