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BOULIMIE FONCIERE SUR LA CORNICHE - Des prédateurs éclipsent les phares des Mamelles

Rédigé par Dakarposte le Mardi 2 Juin 2020 à 11:03

Les abords du phare des Mamelles font l’objet de constructions de résidences privées et de projet d’investissements d’individus qui ont fini de faire du littoral un bien personnel. Une visite initiée par le collectif citoyen pour la sauvegarde de la colline et des terres du phare des Mamelles de Dakar, a permis de constater, un littoral complètement morcelé. Comble du malheur, la falaise sur laquelle est percé le phare, fait l’objet d’agression par des trafiquants de la pierre basaltique.


BOULIMIE FONCIERE SUR LA CORNICHE -  Des prédateurs éclipsent les phares des Mamelles
Samedi 30 mai, alors que Dakar est encore plongé dans cette quiétude matinale du week-end, accentuée par le confinement dû à la pandémie du Covid 19, un groupe de personnes, entame une visite autour des abords du phare des Mamelles. Une situation peut-être inhabituelle qui a fini d’attirer l’attention des piétons et autres gérants de petites activités sur les lieux.

L’initiative est du collectif citoyen pour la sauvegarde de la colline et des terres des Mamelles, mise en place pour servir de bouclier contre la boulimie foncière dont le site à la fois historique et scientifique fait l’objet. En effet, il est presque impossible d’apercevoir de loin la colline ou cette lampe qui, jadis surplombe majestueusement Dakar. Les chantiers entamés çà et là ont fini d’étouffer les phares. Des domaines privés qui poussent comme des champignons ont fini de transformer les lieux de zones publiques à des espaces réservées à une «bourgeoisie» qui a pu obtenir un permis d’occuper dans «l’illégalité». Il ne reste que quelques petites espaces à côté de la mer. Là, ce sont les gravas provenant des constructions qui forment le décor. Impossible pour un piéton de s’y frayer un chemin à fortiori d’y faire une marche. Les abords du phare des Mamelles sont maintenant faits de grandes résidences qui appartiennent à des autorités politiques, d’hommes d’affaires et des investisseurs étrangers. Le business foncier autour de la zone est manifestement perceptible à travers les engins mécaniques sur les chantiers qui grondent de partout, les sacs de ciments somptueusement rangés, les incessants va-et-vient des camions et les tas de béton qui obstruent les passages.

Evoquer la situation semble déplaire.

A l’absence des investisseurs, c’est un maitre d’œuvre étranger et les ouvriers en activité sur un grand chantier qui appartiendrait à un concessionnaire d’automobiles, qui refusent d’être sous le feu des projecteurs. Ils s’opposent à la prise de vue des télévisions. Pour Mamadou Mignane Diouf qui est du collectif pour la sauvegarde de la colline et des terres du phare des mamelles, la situation n’est que déplorable à ses yeux. «On ne peut pas accepter ce qui arrive sur la corniche. Que des individus viennent couper le drapeau du Sénégal et de le mettre dans leurs poches ; c’est à cela que ça ressemble ; donner une partie du foncier sénégalais à des privés. Ça ne peut pas prospérer !», prévient-il. Scandale ! Accaparement du bien public par une minorité nantie ou qui a eu à travailler avec un régime au pouvoir, c’est l’avis que Boubacar Diop, lui aussi membre du collectif, s’est fait de la situation. «A 100 m du scandale sous les mamelles (un chantier stoppé par la Dscos sous le pied de la falaise), il y’a un autre beaucoup plus grave. C’est tout le littoral qui est bradé », confie-t-il en pointant du doigt une forteresse de belles villas et de chantiers. Pour Boubacar Diop, le bradage du littoral a été le fruit de tous les régimes. Les régimes qui se sont succédé au pouvoir ont laissé faire, regrette-t-il. «Ça a commencé sous les socialistes et ça a continué. La goutte d’eau de trop c’est le fait de creuser la colline, mais à côté, il n’y a même plus de plage et ces gens ont leur permis. Il faut que ça cesse. Qu’on détruise toutes ces maisons et que les gens profitent de la mer».

UN PERMIS D’OCCUPER DÉLIVRÉ LE 9 AVRIL DERNIER

La délivrance des permis d’occuper le littoral n’obéit pas à la règle selon le collectif. Et Mignane Diouf de dénoncer un permis qui a été délivré en pleine pandémie du Covid 19. «On a vu une autorisation qui a été donnée le 9 avril dernier, en pleine pandémie, ou l’Etat fonctionne au ralenti. Et même si c’était légal, c’est immoral d’installer un château privé au bord de la mer empêchant aux Sénégalais de profiter de leur marin, d’accéder à une plage publique». La délivrance d’autorisation de construire à des privés au détriment des installations précaires et révocables qui étaient sur le site, a fait perdre des emplois à des riverains. Ousmane, un jeune du quartier de Ouakam, fait partie de la quinzaine de jeunes obligée maintenant de se tourner les pouces parce que le restaurant où il travaillait est occupé par le chantier du concessionnaire automobile. «Je travaillais dans un restaurant qui se trouvait là où est présentement le chantier que vous voyez là », dit-il en pointant du doigt les ouvriers en activité. Il ajoute, «un jour, on est venu nous dire de quitter les lieux parce que le site a été vendu et son propriétaire compte s’y installer. Depuis lors, notre restaurant est fermé et je suis au chômage. Nous étions presque 20 employés ».
 
OCCUPATION DU LITTORAL ET MENACE DE DESTRUCTION DU PHARE DES MAMELLES : Une plainte sera déposée sur la table du procureur

 
Mamadou Mignane Diouf et compagnie qui ont engagé la bataille pour la sauvegarde de la colline et des terres du phare des Mamelles envisagent une série d’actions. Parmi, celles-ci figure le dépôt d’une plainte dès ce mois de juin au tribunal pour disent-ils, «trouver les propriétaires des attributions et des bradeurs». Le collectif compte aussi saisir la direction de la surveillance et du contrôle de l’occupation des sols (Dscos). Le collectif compte également rencontrer avec les différentes mairies concernées par le phare, la mairie de Dakar, les autorités coutumières et étatiques concernées par le monument. Des rencontres avec les organisations de femmes, des chercheurs universitaires entre autres sont aussi prévues.
 
EXTRACTION ET TRAFIC DES PIERRES BASALTIQUES : La colline des Mamelles risque de s’affaisser

Le préfet de Dakar a sorti un employés». arrêté daté du 17 avril 2016 pour interdire l’extraction de roches basaltiques au niveau des mamelles. Dans ledit document, il est indiqué que pour des raisons de sécurité et d’ordre public, il est formellement interdit de procéder à l’exploitation et au ramassage des roches basaltiques sur le site des Mamelles. La note indique que tout contrevenant à ladite mesure s’exposera à l’application des dispositions du décret n°072/ 662 interdisant l’exploitation du basalte dans la région de Dakar. Un article de l’arrêté indique que le préfet du département de Dakar, le commandant de la compagnie de gendarmerie, le chef du service régional des mines, sont chargés chacun, en ce qui lui concerne, de l’arrêté qui selon l’autorité, a été publié et communiqué partout où le besoin est. Quatre années donc, après cette interdiction de l’autorité, l’exploitation basaltique de la falaise continue de plus bel. La partie qui fait face à la mer est largement endommagée par les trafiquants malgré tout, les virées nocturnes ne manquent toujours pas. Le conservateur du phare dépassé, alerte : «on ne peut pas accepter que de tierces personnes viennent creuser la montagne. Je me réveille chaque nuit pour faire face aux gens qui creusent de l’autre côté de la falaise pour extraire des roches volcaniques». «J’ai dénoncé, la gendarmerie fait des rondes de temps en temps. J’ai saisi des sacs. Il faut qu’on situe les responsabilités pour protéger cette falaise. C’est très dangereux parce qu’à force de creuser la montagne va s’affaisser et ça a commencé de l’autre côté  », dénonce-t-il. Pour lui, «les responsabilités doivent être situées». «Il faut sanctionner. Il a un impact environnemental et écologique important».

Outré mais, impuissant face à la furie des trafiquants, Momar Dieye l’est. Il habite un quartier à Ouakam. Et de confier : «dans les années 90, il n’y avait qu’un petit trou. Mais, vous voyez ce que se passe maintenant, ce sont des ressortissants d’un pays voisin du Sénégal qui viennent nuitamment extraire les pierres volcaniques. On a fait de nombreuses dénonciations au niveau des forces de sécurité sans qu’il ait un changement parce que les trafiquants menacent de nous jeter le sort si on tente de s’opposer à leur business». Selon des témoignages recueillis sur place, ce sont des ressortissants d’un pays limitrophe du Sénégal, qui viennent nuitamment extraire les pierres pour les revendre à des féticheurs installés au pays. Les roches basaltiques seraient prisées pour les pratiques mystiques.



















Sud Quotidien



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