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Entretien avec… Boubacar Fall, coordonnateur du Rassemblement des travailleurs licenciés : «Ce 1er Mai ne sera pas une célébration, mais un deuil collectif»

Rédigé par Dakarposte le Jeudi 1 Mai 2025 à 17:45 modifié le Jeudi 1 Mai 2025 - 17:47

Coordonnateur du Rassemblement des travailleurs du Sénégal (Rts), Boubacar Fall parle de la fête du 1er Mai qui sera une occasion pour ces «déflatés» des secteurs public et parapublic d’observer un deuil collectif. Un rassemblement est au menu pour ces travailleurs, au nombre de plus de 30 mille, qui veulent être rétablis dans leurs droits.Comment allez-vous passer la fête du 1er Mai ?


Entretien avec… Boubacar Fall, coordonnateur du Rassemblement des travailleurs licenciés : «Ce 1er Mai ne sera pas une célébration, mais un deuil collectif»
Ce 1er Mai ne sera pas une célébration, mais un deuil collectif transformé en combat. Sous le thème : «Le travail en deuil : justice et réparation», nous honorerons les vies brisées par l’arbitraire et exigerons un avenir digne.

Qu’en est-il du rassemblement que vous prévoyez de tenir le jour de la Fête du travail ?
Le Rassemblement unitaire du 1er Mai se tiendra sur la voie Cerf-Volant entre l’Ansd et Massalikoul Djinane, précisément sur les deux voies prolongées passant devant la Cnts. Un lieu symbolique, car c’est ici que des milliers de travailleurs licenciés ont autrefois marché pour aller chercher leurs maigres indemnités…

Pourquoi ce lieu ?
La voie Cerf-Volant est un axe stratégique : elle relie les institutions (Ansd) aux lieux de pouvoir religieux et économique. Et la Cnts, en face, rappelle les combats syndicaux historiques… et leur trahison récente.

Au programme, vous parlerez de témoignages des «veufs du travail» ?
Ce jour-là, nos larmes se mêleront à notre colère. Car un deuil qui ne débouche pas sur la justice est un deuil trahi. Le Rts veillera à ce que chaque goutte de sueur versée par les travailleurs devienne une semence de révolution. Le Rts n’est pas un syndicat, c’est une famille. Rejoignez-nous. Apportez vos histoires, vos rages, vos espoirs. Ensemble, nous ferons du 1er Mai 2025 le premier jour de notre résurrection. La démocratie du travail ou la mort !

Boubacar Fall, vous êtes coordonnateur du Rassemblement des travailleurs du Sénégal. Comment êtes-vous arrivé à Dakar Dem Dikk (Ddd) ?
Je suis diplômé en Bts électromécanique au Lycée technique Delafosse, j’ai commencé comme agent à l’Aéroport du Sénégal en 2015. Quand Dakar Dem Dikk a acquis 475 bus pour «moderniser les transports», j’ai cru à l’espoir. Recruté comme technicien hautement qualifié en 2016 (Matricule 316 036/E), j’ai gravi les échelons à la force de mes mains, avec ma sueur, mes nuits passées sous les bus. Le 26 avril 2024, la note de service n°00762 de la Direction générale m’a nommé chef d’atelier à la Direction technique. Une fierté légitime !

Vous avez connu quelques difficultés après. Pouvez-vous nous en parler ?
Pourtant, à peine cette nomination signée, le nouveau Directeur général, M. Assane Mbengue, a instrumentalisé la période d’essai -un mois renouvelable selon les textes- pour annuler arbitrairement ma promotion. Aucune évaluation objective. Aucun motif légal. Juste un ordre sec : retour à votre poste initial, en violation flagrante de l’article 42 du Code du travail sur la sécurité de l’emploi. Ma nomination a été rayée d’un trait de stylo, comme on efface une erreur administrative.

Comment expliquer à ma mère, cette ménagère qui a cru aux vertus du mérite, que son fils est puni… pour avoir trop bien travaillé ? Aujourd’hui, je ne suis plus qu’un technicien rétrogradé… mais aussi le symbole vivant d’un système qui broie les compétences au profit des caprices hiérarchiques.
Mon histoire n’est pas qu’un drame personnel : c’est le reflet d’une gestion opaque où les décisions administratives servent de faucille pour moissonner les droits des petits.

Comment est né le Rassemblement des travailleurs du Sénégal (Rts) dont vous êtes coordonnateur ?
Le Rts n’est pas né d’un texte juridique, mais de cette urgence : protéger les oubliés. Nous avons juré de : défendre les Pape, les Souadou, les Oumar et les Mme Sonko abandonnés par le système, former aux lois du travail pour que plus aucun travailleur ne tremble devant un tribunal et unir les voix éparses en un seul cri, capable de faire trembler les directions générales.

Ce cri, c’est aujourd’hui une clameur. Et cette clameur, c’est votre histoire. Le Rassemblement des travailleurs du Sénégal (Rts) est né le 20 janvier 2025 dans les larmes et la révolte. Entre 2024 et 2025, des milliers d’entre nous ont été jetés à la rue par des entreprises sans âme : le Fera, où les routes survivent mieux que les emplois ; La Poste, qui ne distribue plus que des lettres de licenciement ; la Cmu, qui privatise la santé des travailleurs ; le Port autonome, où les containers valent plus que les dockers ; et Dakar Dem Dikk, mon propre enfer. Je me souviens d’un homme, un père de famille, devant le Tribunal du travail, seul, sans avocat. Il tentait de plaider sa cause, balbutiant des articles de loi qu’il ne comprenait pas. Le juge a renvoyé son affaire, «pour vice de procédure». Ce jour-là, j’ai vu un travailleur devenir un fantôme. Des milliers d’autres, comme lui, errent dans les couloirs des tribunaux ou vendent leurs bijoux pour survivre.

Le gouvernement parle de recrutement politique et de rationalisation des dépenses pour justifier ces licenciements…
Le régime de Diomaye et Sonko parle de «recrutement politique» et de «crise économique» pour justifier l’injustifiable. Il y a des recrutements qui ont été faits après ces licenciements. Plusieurs recrutements ont été faits au Port autonome de Dakar, au Fongip, à la Cdc, à la Lonase, à l’Aibd, au Cices, entre autres.

Mais le pire, c’est un technicien de Dakar Dem Dikk qui dépanne les bus sans équipements de sécurité (casques, masques, gants, chaussures…) et pouvant se retrouver du jour au lendemain dans la rue, honteux de ne plus pouvoir nourrir ses enfants. La «rationalisation», c’est licencier Pape Niang, la cinquantaine, après des années de loyaux services. Leur «situation difficile» est un maquillage : ils protègent les profits, pas les personnes. Le Rts dénonce ces crimes économiques masqués en décisions administratives.

Le gouvernement parle de «rationalisation», mais nous, nous voyons des enfants privés d’école, des familles réduites à mendier leur dignité. En ma qualité d’ancien syndicaliste et de délégué du personnel à Dakar Dem Dikk, j’ai refusé de baisser les bras. J’ai rassemblé des travailleurs laissés à eux-mêmes. Nous avons partagé des histoires : celle de Pape Niang (la cinquantaine révolue), licencié du Fera ; celle de Mme Ndiaye Souadou Diouf, virée de la Cdc par la même direction qui l’a élue meilleure commerciale de l’année ; celle de Oumar Ba, licencié du Fongip et qui a du mal à entretenir ses deux épouses ; l’histoire de Mme Sonko (divorcée), virée du Cices après une dizaine d’années de loyaux services. Ces récits étaient notre manifeste avant l’heure.

Parlez-nous du nombre exact de travailleurs à l’heure actuelle qui ont été licenciés ?
Le nombre de travailleurs licenciés est de 30 mille 814 déjà enregistrés. Voici le détail des licenciements abusifs documentés par le Rts au 29 avril 2025, secteur par secteur : public et parapublic. Au sein du Fera, on compte 26 000 licenciés (dont 80% de Cdd non renouvelés). Au niveau de la Cmu, il y a 1300 agents contractuels évincés. Au niveau du Port autonome de Dakar, on dénombre 800 dockers et employés administratifs licenciés. Au niveau du ministère du Transport, on compte 80 Cdd non renouvelés. A la Direction des emplois-programmes, on a 93 licenciés. Au niveau de la présidence de la République, on a 10 collaborateurs limogés. Au Commissariat de la sécurité alimentaire, on en compte 10. Au Grand Théâtre national, 23 techniciens et artistes ont été licenciés. A Dakar Dem Dikk (Ddd), on dénombre 27 licenciés + 8 rétrogradations arbitraires. A la Sapco, il y a 85 agents licenciés. A la Lonase, 135 salariés ont subi le même traitement. A La poste, on note le licenciement de 132 employés. A Saf Industries, il y a 161 ouvriers qui ont été licenciés. Aux Grands domaines du Sénégal (Gds), 176 travailleurs agricoles font l’objet de licenciement. Pour les institutions financières et programmes, on dénombre 13 licenciés au Fongip, 15 au Promogam, 35 au Promise, 1 à l’Agetip. Au Cices, on compte 1 licenciement. Dans les autres structures comme la Cdc, 28 agents ont été licenciés, au Cdc-Habitat (ex-Cgis), 14 licenciés, à l’Asapex, 1 cas de licenciement.

Ces chiffres ne sont pas des statistiques… Ce sont des milliers de drames familiaux. Des enfants privés de rentrée scolaire, des parents humiliés, des compétences gaspillées. Derrière ces «26 000» licenciements du Fera, il y a 26 000 familles qui mendient aujourd’hui leur dignité. Le Rts se battra pour chacune d’elles.

Espérez-vous que ces travailleurs soient rétablis dans leurs droits ?
L’espoir ? Nous le forgeons chaque jour. Le Rts exige la réintégration immédiate des licenciés, comme le prévoit notre manifeste, un fonds d’indemnisation financé par les entreprises fautives, des audits indépendants dans chaque structure citée. Nous utiliserons tous les outils, comme les recours juridiques, l’occupation des rues, l’asile politique. La justice n’est pas une option, c’est un devoir.
























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