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France-Sénégal : qu’est-ce qui explique ce regain d’intérêt de l’ancienne puissance coloniale ?

Rédigé par Dakarposte le Mercredi 21 Décembre 2016 à 05:58

France-Sénégal : qu’est-ce qui explique ce regain d’intérêt de l’ancienne puissance coloniale ?
Depuis un certain temps, les autorités françaises s’intéressent de plus en plus au Sénégal. Après les ballets de Ségolène Royal, il y a eu l’ex-premier ministre Manuel Valls et Jean Yves Le Drian à Dakar, sans compter Bernard Cazeneuve. Mais l’acte qui a suscité moult interrogations est le tapis rouge déroulé par la France en l’honneur du Président Macky Sall pour une visite d’Etat. Qu’est-ce qui explique ce regain d’intérêt de l’ancienne puissance coloniale pour le Sénégal ? Le journaliste et consultant, Adama Gaye répond à la question dans une interview accordée au journal « Le témoin ». Dakarmatin choisit pour vous un extrait de l’entretien qui décrit la nature du pacte liant le Sénégal et la France.

« La réponse tient au fait principalement que la France, et de manière générale l’Europe, ont épuisé leurs capacités de croissance interne. Il leur faut, la France en tête, aller les chercher là où elles se trouvent. C’est désormais l’Afrique qui est la nouvelle frontière du développement. Or, comme nous ne sommes plus au temps où la politique de la canonnière pouvait s’appliquer ou que les puissances européennes pouvaient soit à Berlin entre 1884-85 se partager les territoires africains ou y envoyer , plutôt des forces impérialistes, esclavagistes pour les subjuguer en vue de combler les limites à leur expansion économique portée par la révolution industrielle , mais contenue par l’absence de ressources et de marchés, la seule option qui reste à des pays comme la France c’est de trouver les moyens de reprendre pied sur le continent. Cette fois-ci, c’est une diplomatie protéiforme qui porte ce mouvement. Par ces visites politiques au plus haut niveau. Par des sucettes politiques telles les visites d’Etat accordées à des dirigeants africains dont Macky Sall, en sachant que leur fatuité et leur égo sont suffisamment développés pour les attirer vers le piège stratégique qui leur est tendu. Sur tous les plans, y compris pour assurer sa sécurité, endiguer les forces extrémistes asymétriques, mais également prend part au gâteau de ressources naturelles et surtout en hydrocarbure qui s’élargit dans les pays comme le nôtre, la France n’entend pas laisser le terrain à d’autres acteurs. Elle se pose pour s’opposer aux puissances émergentes, en particulier la Chine, l’Inde, la Turquie et, à un degré moindre, le Brésil. La grande question est de savoir comment peut-on assumer son ambition africaine avec ses propres difficultés financières ? Sans compter la césure que représente la montée du populisme voire de la xénophobie en son sein. Avec la révolution technologique de l’information, cette France qui devient raciste, conservatrice ne peut que déclencher un rejet de la part des populations africaines qui ne vont pas accepter de se laisser vendre par des pouvoirs plus soumis et dociles qu’elles ne le sont en raison de leur exposition aux meilleures normes en matière de bonne gouvernance économique et démocratique ».

Compte tenu du déclin économique de la France, quel intérêt tire le Sénégal en déroulant avec favoritisme le tapis rouge aux investisseurs français ? 

« Le Sénégal est perdant-perdant dans cette relation opaque qui le lie à une France dont les capitaines d’industrie (plutôt des relais de la France) sont loin d’être disposés à jouer les règles du jeu mais davantage d’être les privilégiés de régimes à leur solde, dont certains, on peut le penser, leur doivent leur avènement. Celui de Macky Sall en est. Les Bolloré, Bretton, Borloo-les 3B-qui à mes yeux sont l’incarnation la plus indécente du favoritisme fait à ces hommes d’affaires, plus qu’investisseurs, français. Il est regrettable qu’on en soit arrivé à une telle situation qui produira tôt ou tard un back-lash, un retour de flammes. Car, à l’évidence, ces hommes d’affaires français ne veulent pas aller en compétition dans les règles de l’art mais se servir d’hommes de paille, dans les différents segments de l’Etat et de la société, y compris au plus haut niveau de l’Etat pour se faire concéder des privilèges. Voyez la concession scandaleuse qu’est l’autoroute à péage accordé à Eiffage. Ou le retour en force de Bolloré au port, sans compter les facilités faites dans des conditions douteuses à Orange par l’ARTP. Bien évidemment, on peut arguer qu’aussi bien des aventuriers sortis de nulle part parviennent également à se faire servir. Cas de Petro-Tim et de Cosmos dans le bradage des ressources en hydrocarbures du Sénégal. Si le Sénégal avait bien négocié, les choses auraient été différentes. Car aussi bien la France que les autres acteurs qui s’intéressent à nos pays viennent avec des capacités, des expertises, des moyens que nous aurions pu obtenir de façon plus avantageuse si les deals signés avec eux n’avaient pas été, comme ils le sont, aussi déséquilibrés. Ne soyons pas surpris : même le prostitué qui ne sait pas négocier se fait avoir à moindre coût. Il nous faut revisiter, arrêter, ce pacte néocolonial qui se met en place avec l’aide des nôtres les plus vendus, légers… ? »

Mamadou Sakhir Ndiaye 



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