Riyad peut se rassurer. Malgré l’émoi international suscité par le meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi en octobre 2018, les investisseurs ont répondu présent. La première levée de fonds saoudienne après l'affaire a été un succès sur les marchés internationaux, mercredi 9 janvier. Le royaume a atteint sans mal son objectif de vendre pour 7,5 milliards de dollars de bons du Trésor saoudien.
La pétromonarchie a reçu des offres d’un total de 27 milliards de dollars pour son émission de dette, dépassant largement ce que le pays cherchait à obtenir. Plusieurs banques occidentales de premier plan - BNP Paribas, HSBC, JPMorgan et Citigroup - ont participé à l'organisation de cette opération financière.
Des milieux d’affaires fidèles
Le succès de cette levée de fonds indique que "l’attrait pour des bons rendements a eu raison des cas de conscience des banquiers", a indiqué un financier au Wall Street Journal. Le taux d’intérêt des titres saoudiens sont, en effet, sensiblement plus élevés que ceux de leurs équivalents nord-américains. Mais, souligne le Financial Times, ils sont similaires à ceux pratiqués par Riyad par le passé, indiquant que le pays n’a pas fait d’effort particulier pour séduire les investisseurs et leur faire oublier l’affaire Khashoggi.
L’émoi des milieux financiers semble donc avoir fait long feu. En réalité, rares sont les sociétés occidentales qui ont coupé les ponts avec l’Arabie saoudite malgré la mise en cause directe par la CIA du prince héritier Mohamed Ben Salmane dans le meurtre de Jamal Khashoggi, note le Wall Street Journal. "Des cadres au sein d’HSBC ont condamné en privé le pouvoir saoudien, mais ils ont rappelé que la banque était aussi active dans d’autres pays où les droits de l’Homme étaient bafoués", écrit le quotidien économique américain.
Après avoir snobé le "Davos du désert" saoudien en octobre dernier, le PDG d’HSBC John Flint avait reconnu que sa banque ne pouvait pas se permettre d’aller plus loin dans la condamnation de Riyad. Il a expliqué avoir une obligation envers ses clients et ses employés de continuer à entretenir de bonnes relations avec l’Arabie saoudite, qui reste la première puissance pétrolière du monde.
La levée de fonds saoudienne était un test important pour Riyad. La monarchie wahhabite compte beaucoup sur les marchés internationaux en 2019 : c’est une année décisive pour son géant du pétrole, Saudi Aramco. Il va, pour la première fois en quarante ans, chercher à lever des fonds auprès d’investisseurs étrangers afin de financer le rachat du géant saoudien de la chimie Sabic. Une opération très attendue par les observateurs car le mastodonte de l’économie saoudienne sera alors obligé de rendre ses comptes publics pour la première fois depuis sa nationalisation dans les années 1970.
Le test Saudi Aramco
Conscient de l’enjeu, le royaume a commencé à donner de gages de transparence, le 9 janvier, en publiant le premier audit indépendant de ses réserves de pétrole. Réalisé par la société américaine de conseil pétrolier DeGolyer and MacNaughton, le document révèle que le pays dispose de stocks plus importants qu’estimés par les analystes internationaux.
Mais ce n’est pas seulement pour Saudi Aramco que Riyad a besoin des investisseurs internationaux. Le budget national de 2019 prévoit une hausse de 7 % des dépenses après plusieurs années de rigueur budgétaire dues à la faiblesse du prix du pétrole. Mais dans le contexte actuel du marché de l’or noir (en baisse depuis octobre), "ce serait une erreur de trop puiser dans les réserves nationales, et le pays va devoir se tourner vers les marchés internationaux", analyse un gestionnaire de fonds de Dubaï, interrogé par le Financial Times.
Le quotidien financier britannique estime que le pays va avoir besoin de lever environ 100 milliards de dollars pour financer ses projets de 2019. Le succès de la levée de fonds est, à cet égard, une très bonne nouvelle pour le pouvoir. Pour les défenseurs des droits de l’Homme, c’est une autre histoire.