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« Soukaru koor » ou le fardeau des femmes « mariées » : quand une tradition se transforme en pression sociale et psychologique

Rédigé par Dakarposte le Lundi 1 Avril 2024 à 16:30

Le « Soukarou koor » ou sucre du ramadan est une pratique traditionnelle qui consiste à offrir aux parents et aux beaux-parents des présents, la plupart du temps du sucre, en période de ramadan. Autrefois, ces cadeaux étaient destinés aux plus démunis afin qu’ils puissent couper leurs jeûnes sans grandes difficultés, ni peines. Une façon pour certains musulmans de partager leurs denrées de première nécessité aux personnes défavorisées. Force est de constater qu’aujourd’hui les femmes mariées se sont appropriées cette pratique et en ont fait une obligation de couvrir leur belle-famille de cadeaux onéreux et souvent démesurés.


À une quinzaine de jours du mois de ramadan, certaines femmes portent encore le fardeau qu’elles n’ont pas offert à leurs beaux-parents les présents en guise de « Sukarou koor ». Dans un tel contexte socio-économique difficile, les femmes vivent une terrible pression de s’acquitter par tous les moyens de cette pratique devenue une ‘’obligation’’. Trouvée dans un salon de coiffure à Mermoz, Ndèye Khady Faye nouvellement mariée nous expose son calme quotidien qui hante son sommeil. La vingtaine révolue, vêtue d’un ‘’meulfa’’ de couleur rose, elle nous révèle qu’elle voulait marquer le premier coup de son mariage en faisant plaisir à sa belle-famille, mais elle ne dispose pas de ressources pour le faire. « Je ne travaille pas. Tout ce que je détiens, c’est mon époux qui me le donne. Mon mari ne croyant pas à ces choses et il n’est pas prêt à consentir des efforts pour m’aider à donner à ses parents le Sukarou koor. Je ne sais pas quoi faire et je dois donner le sucre de ramadan, sinon je ne serai pas considéré. Même si je vais emprunter de l’argent pour acheter des choses en guise de « Soukarou koor », je vais le faire. C’est mon premier ramadan en tant que mariée », rétorque-t-elle.


Fonctionnaire de son état, Fatou B. ne croit pas à ces choses et ses beaux-parents ne lui ont jamais demandé ou regardé d’une certaine façon parce qu’elle n’a pas donné de « soukarou koor ». Je suis mariée depuis 2021 et c’est mon quatrième ramadan dans la famille de mon mari et ma belle-mère est désintéressée par ces choses. Je ne reçois aucune pression de la part d’eux ». Fatou B révèle certes qu’en-dehors de ce mois, elle offre, de temps à autre, des cadeaux à sa belle-famille. Tout le contraire d'Anta S., agent d’accueil dans une agence de voyage, elle soutient qu’elle a été obligée une année de prendre l’argent que son époux lui avait donné pour les besoins de la fête de Korité pour offrir des paquets de cadeaux à sa belle-mère, ses belles-sœurs, etc.. Aujourd’hui, c’est avec mon salaire et quelques épargnes mensuelles et l’aide d’une de mes sœurs que j’arrive à le faire. « Je donne à ma famille et à ma belle-famille ; le nombre de personnes s’est accru ».


Le fait de ne pas donner de panier à sa belle-famille est source de conflits et de rejets et certaines belles-mères tenteront de critiquer, de chercher et d’encourager leurs fils à prendre une seconde épouse. Ils voudront que celle-là lorsqu'elle arrivera, va les couvrir tous les mois de ramadan de présents onéreux.

Rivalité entre coépouses

Au cas contraire, elle subira le même sort. Les co-épouses jouent même la concurrence avec ces histoires de « Soukarou koor » et parfois les moyens font défaut chez certaines. L’une des épouses qui vient avec un paquet de Ramadan plus garni, est plus adulée que celle qui offre moins ou n’offre rien. Cela se manifeste et se fait dans certaines cérémonies familiales en présence des parents de l’une et de l’autre que la famille de l’époux via le griot lui tresse des lauriers et lui fait son apologie. Quand certains le font par simple obligation pour faire plaisir à leur belle-famille, d'autre le font pour rivaliser avec leurs coépouses. Cette dame rencontrée vers la boulangerie jaune à Sacré-cœur 3 à l’arrêt du bus de la ligne 34 nous en dit un peu plus. Vêtue d’un boubou djellaba de couleur bleu ciel, tenant sa petite fille à la main, Maguette Niane ne porte pas de gang pour révéler ses intentions. « Je n’avais pas l’habitude de donner le ‘’Sukarou Koor’’, mais maintenant, je le fais pour rivaliser avec les autres femmes qui sont dans la maison ‘’défanté rek’’. Nous sommes tous dans la même maison, mais nous ne gardons pas de bon terme entre nous à cause de la belle-famille. C’est la raison pour laquelle je profite de ces occasions pour leur montrer ma force Et je n’y regrette rien ».

L’Islam ne dit pas non mais réglemente

Du côté de l’Islam, cette pratique n’est pas interdite, mais elle doit être réglementée. Il y a un principe de l’islam ou le prophète Mohamed disait : "aimez-vous et offrez-vous des cadeaux afin de fluidifier les relations entre les hommes" . Pour cela, l’islam ne peut pas interdire cet acte, ni en faire une obligation. Le Sukarou Koor n’est pas une obligation pour l’Islam. Maintenant, au Sénégal, les gens vont jusqu’à faire des emprunts. Il y a aussi un autre aspect où certaines femmes sont bannies par leur belle-famille. Ce qui est interdit par l’islam.
Anta S., "Badianou gox" revient sur les pressions que font certaines belles-familles à leurs belles-filles. « Je suis Badianou goox, mais je suis en même temps belle-mère. Le Sukarou koor n'est pas une obligation même si on en avait les moyens. J'ai des belles-filles à la maison, mais franchement, je ne leur ai rien demandé du tout. Les belles-familles doivent comprendre que la vie est difficile maintenant et que les temps sont durs. Parfois, il y a des dames qui habitent dans le quartier qui viennent me voir pour me confier leur problème avec leur belle-famille alors cela ne devait pas être un fardeau pour les femmes mariées. Ce que tu ne veux pas qu'on le fasse à ta propre fille, il ne faut pas l'essayer avec la fille d'un autre. La vie ne doit pas être compliquée à mon avis », dit-elle.


Certaines familles sont des adeptes et des partisans de la surenchère et de la supercherie et ont fini d’imposer leurs marques à certaines femmes, épouses ou connaissances, qui par complexe ou peur de représailles ont fini par faire de cette tradition une obligation accompagnée d’une pression sociale, psychologique et financière.



















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